Tunisie : le difficile réveil de Tunisian Foreign Bank

Établissement tunisien de droit français, TFBank entend sortir de sa torpeur et se développer auprès de la diaspora. Pas facile quand on vient d’être sanctionné pour mauvaise gestion des risques…

L’agence du quartier de Belleville, à Paris. © Vincent Fournier/JA

L’agence du quartier de Belleville, à Paris. © Vincent Fournier/JA

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Publié le 8 août 2013 Lecture : 4 minutes.

La sanction est sévère. En mars, l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP) de la Banque de France a infligé une amende de 700 000 euros à Tunisian Foreign Bank (TFBank). Motif : celle-ci aurait « gravement manqué à ses obligations en matière de contrôle interne et d’organisation comptable, dans des conditions qui, comme elle l’a reconnu à l’audience, l’ont placée « hors des standards » exigés d’une banque », a souligné l’ACP dans un rapport. En cinquante ans d’existence, la petite banque française aux 68 employés n’avait jamais connu telle « publicité ». Une chance dans son malheur ?

Car combien, parmi les 625 000 Tunisiens résidant en France, connaissent l’existence de l’ex-Union tunisienne de banques (son nom jusqu’en 2010) ? Peu, et pour cause : TFBank n’avait jusqu’alors jamais vraiment fait parler d’elle, affichant 10 000 clients et oeuvrant surtout dans un métier plutôt technique, la confirmation de crédits documentaires. « Depuis trente ans, il y a eu beaucoup de changements de directeur et, partant, de revirements de stratégies », explique Mehdi Haddad, qui a pris les rênes de la banque en mars 2011.

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Après Paris et Marseille, une dizaine d’agences devraient voir le jour, notamment à Nice et Lyon.

Changement de cap

À la différence des Marocains résidant à l’étranger, qui voient se concurrencer depuis plusieurs années Chaabi Bank et Attijariwafa Bank Europe, les Tunisiens de France ont été délaissés. « Au gré des années, notre positionnement sur cette clientèle n’a pas été très bon, reconnaît Mehdi Haddad. Dans les années 2000, nous nous sommes même largement retirés de ce créneau avec la fermeture d’agences, notamment à Nice et à Paris. » Changement de cap aujourd’hui. « Nous voulons être la banque de la Tunisie à l’étranger : celle des sociétés françaises qui s’implantent à Tunis et celle de la diaspora tunisienne », souligne le directeur général.

TFBank compte aujourd’hui deux agences à Paris et une à Marseille, quand Chaabi Bank en dénombre dix-neuf un peu partout à travers la France. Elle entend se réimplanter à Nice et lorgne sérieusement Lyon. Au terme de son plan actuel de développement, elle espère compter une dizaine de succursales. En septembre, l’une de ses agences parisiennes, située dans le quartier de Belleville, sera fermée et remplacée par une autre, plus moderne, localisée dans une avenue proche. De quoi accompagner, enfin, l’évolution d’une clientèle qui n’est plus, comme dans les années 1970, composée uniquement d’ouvriers et d’employés, mais aussi de cadres supérieurs…

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La partie est loin d’être gagnée. Du côté des entreprises, TFBank a de sérieux concurrents, notamment les français Société générale et BNP Paribas, qui accompagnent depuis de nombreuses années les firmes françaises arrivant à Tunis.

Les Algériens visés

Du côté des particuliers, la situation est plus contrastée. Largement oublié, le marché des Tunisiens résidant à l’étranger (1,7 milliard d’euros de transferts en 2012) est très peu concurrentiel. Les banques tunisiennes s’y intéressent, mais ne disposent pour la plupart ni de succursale ni de filiale en France pour le traiter correctement. Depuis un ou deux ans, le marocain Attijariwafa Bank (dont la filiale tunisienne s’appelle Attijari Bank) en a fait une priorité. Société générale, avec sa filiale tunisienne, Union internationale de banques (UIB), aussi.

Tous deux ont un avantage : pouvoir offrir des services bancaires de part et d’autre de la Méditerranée. Une qualité que n’a pas TFBank, qui dispose en Tunisie d’une seule agence dans le cadre d’un agrément offshore. « Nous voulons en ouvrir d’autres dans les grandes villes du pays », précise Mehdi Haddad. Ses équipes, qu’il compte totalement renouveler d’ici à la fin de 2015, préparent le lancement d’un produit d’épargne islamique. De quoi séduire au-delà de la diaspora tunisienne : les Algériens, notamment, seraient dans la ligne de mire de TFBank.

Des pertes importantes

Reste à financer tout cela. En 2009 et 2010, TFBank a affiché une perte nette cumulée de près de 13 millions d’euros et n’a dégagé en 2011 qu’un maigre bénéfice de 268 000 euros. En 2012, année pour laquelle les données financières de TFBank ne nous ont pas été communiquées, la situation serait loin d’être réjouissante, avec des pertes importantes liées à des provisionnements sur certaines opérations.

Du coup, TFBank ne devrait pouvoir compter que sur ses actionnaires pour financer son développement… ou pas. Car les deux principales institutions à son tour de table, la Société tunisienne de banque et la Banque de l’habitat (environ 87 % des parts en tout), sont loin d’être en bonne santé, plombées à la fois par la situation économique tunisienne et, surtout, par leur politique passée très laxiste en matière de gestion des risques.

« Nous pouvons faire appel à eux pour des refinancements, mais pas pour des financements en fonds propres », concède Mehdi Haddad. Du coup, la banque au total de bilan de 272 millions d’euros étudie très sérieusement l’ouverture de son capital, sans exclure aucune hypothèse. La sanction infligée par l’ACP ne devrait pas l’aider à séduire de nouveaux investisseurs. Mais le management estime que tout est fait pour mieux gérer l’établissement : un système d’information unique et global pour toutes les opérations bancaires a ainsi été instauré.

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