Pernod Ricard déploie son offensive africaine

Le groupe français Pernod Ricard se déploie dans une poignée de pays africains jugés prioritaires. Son plus grand atout : un portefeuille de marques renommées. Son principal défi : optimiser leur distribution.

Au bar de l’Irene Country Club, à Pretoria. Pernod Ricard détient 13 % du marché sud-africain. © Finbarr O’Reilly/Reuters

Au bar de l’Irene Country Club, à Pretoria. Pernod Ricard détient 13 % du marché sud-africain. © Finbarr O’Reilly/Reuters

ProfilAuteur_FredMaury

Publié le 6 août 2013 Lecture : 4 minutes.

« Nous n’avons pas d’actu pour le moment. » Côté com, c’est silence radio quant aux ambitions africaines de Pernod Ricard… Sur le terrain, en revanche, le groupe français, numéro deux mondial des spiritueux avec un peu plus de 100 millions de caisses de neuf l (l’unité de mesure dans le secteur) vendues par an, est bel et bien passé à l’offensive. Depuis deux ans, celui qui n’était présent qu’en Afrique du Sud (et très marginalement en Côte d’Ivoire) a jeté son dévolu sur une poignée de pays jugés prioritaires, y recrutant quelques centaines de personnes : Namibie, Kenya, Maroc, Angola, Nigeria et, dans une moindre mesure, Ghana.

Un pari loin d’être hasardeux : selon le cabinet McKinsey, ces pays (hormis la Namibie) font partie des dix États où se concentre 81 % de la consommation sur le continent… Dans une lettre publiée par le groupe, Pierre Pringuet, le directeur général, ne fait pas mystère de ses ambitions : « Nous voulons faire en Afrique ce que nous avons fait en Asie, et nous avons tous les atouts pour y parvenir : nos nouveaux employés sont mus par le même esprit d’entreprise qui existait il y a vingt-cinq ans à Shanghai et à Singapour. L’Afrique est en passe de devenir l’une des premières zones géographiques de développement. »

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Sur-mesure

Aujourd’hui, chez Pernod, le continent ne pèse pourtant pas lourd : de 1 % à 2 % des bénéfices, essentiellement grâce à ses 13 % de part de marché en Afrique du Sud. Il est probable que cette proportion monte à « 5 % ou 10 % des profits à long terme », souligne Ian Shackleton, analyste chez Nomura. Bien que largement distancé en Afrique par Diageo, numéro un mondial, Pernod a un grand avantage : sa gamme étendue de marques. Le groupe détient quelques stars mondiales comme la vodka Absolut, le cognac Martell, les whiskys Jameson et Chivas Regal, le scotch Ballantine’s, la liqueur à base de rhum Malibu ainsi que des champagnes et des marques locales. Le plus beau des portefeuilles dans le monde des spiritueux, construit à coups de milliards d’euros au cours de la dernière décennie et dont le fardeau pèse encore un peu sur les comptes du groupe.

Pernod peut donc faire du sur-mesure. En Angola, il a largement misé sur le whisky Passport, une marque connue de longue date dans le pays. Au Kenya, 70 % des ventes se font sur le whisky Jameson. Au Nigeria, c’est sur les grands noms – Absolut, Chivas Regal, Jameson, Martell – que le groupe parie. L’étape suivante consistera à développer des marques plus abordables en termes de prix pour la majorité des consommateurs africains, en investissant massivement dans la communication.

Côté distribution, la firme a également fait le choix du pragmatisme. L’enjeu est crucial partout dans le monde pour les groupes de spiritueux, mais encore davantage en Afrique, où commerces modernes et lieux de consommation spécialisés sont encore rares. En Angola et au Kenya, le groupe travaille pour l’instant en solo, se concentrant sur les cafés, les restaurants et les boîtes de nuit des capitales. Au Nigeria, Pernod a franchi un cap supplémentaire en s’associant au groupe de distribution CFAO.

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« Ici, environ 80 % des ventes se font sur les marchés traditionnels du secteur informel, explique Jacques Leccia, directeur général de CFAO Industries, Équipement et Location. La difficulté pour les marques internationales est donc de parvenir à atteindre le consommateur final, mais aussi de se faire payer. Au Nigeria, nous disposons d’entrepôts dans une vingtaine de villes nous

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vendons déjà plusieurs autres marques de biens de consommation, comme Bic ou Cadbury. » Présents pour l’instant dans quatre grandes villes, dont Lagos et Abuja, Pernod et CFAO devraient couvrir, d’ici à deux ou trois ans, de 60 % à 70 % du territoire.

Recette

Cette alliance pourrait servir de modèle à d’autres développements africains du groupe, Pernod apportant ses marques et sa puissance de communication, le partenaire sa connaissance du marché, notamment des réseaux de vente. En s’associant avec CFAO au Nigeria, le groupe français a en outre confirmé qu’une alliance avec un brasseur n’est pas un passage obligé. « Il n’y a pas un brasseur unique qui pourrait lui donner accès à toute l’Afrique, décrypte Ian Shackleton. Heineken travaille de manière très proche avec Diageo en Afrique du Sud, et SAB Miller a peu de chances de vendre des spiritueux. Reste Castel… »

Du côté des dirigeants de Pernod, on doute même que la complémentarité bière-spiritueux – la méthode qui a fait jusqu’à présent le succès de Diageo – soit forcément avantageuse. Les clients, tout comme les modes de consommation, seraient radicalement différents… La bonne recette ? Difficile à savoir pour l’instant. Mais les débuts au Nigeria sont prometteurs. Et, entre juillet 2012 et février 2013, les ventes de Pernod Ricard au sud du Sahara ont bondi de 23 %. Un bon signe pour une aventure qui ne fait que commencer. 

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