Constituante tunisienne : ch9alek.org, profession « chasseur de rumeurs »

La liberté mais aussi la qualité de l’information étant un enjeu fondamental de la démocratie, de jeunes Tunisiens ont monté le site « ch9alek.org ». Objectif : vérifier et recouper les « informations » qui circulent sur le web et les réseaux sociaux, Facebook et Twitter notamment, pour éviter que des rumeurs nocives ne se répandent.

Capture d’écran du site ch9alek.org. © J.A.

Capture d’écran du site ch9alek.org. © J.A.

Publié le 21 octobre 2011 Lecture : 2 minutes.

Janvier 2011, Tunis. Parallèlement aux affrontements meurtriers qui se déroulent un peu partout en Tunisie, une guerre d’un autre genre oppose des blogueurs tunisiens et étrangers aux « soldats du net » de Ben Ali. Ces derniers « surveillaient, mais diffusaient aussi de fausses informations », se souvient Khelil Ben Osman. « Des diversions destinées par exemple à attirer l’armée à un endroit alors que les milices (pro-Ben Ali) se dirigeaient ailleurs ».

Tunisien lui-même, arrivé en France il y a dix-huit ans, Khelil Ben Osman se présente comme un « geek qui aurait fait de la communication ». Spécialiste dans le développement d’applications internet pour téléphones, il prend la révolution tunisienne comme une claque : « le côté communautaire, le partage de l’info… aux antipodes de mon boulot de commercial. » Aux côtés d’autres blogueurs, il tente dès le début des événements de contrer la désinformation orchestrée par les proches du régime. Et dès le départ de Ben Ali, il lance avec plusieurs amis l’Association tunisienne pour les libertés numériques (atln.info). Mais très rapidement, il se rend compte que « des vagues de désinformation » continuent d’être propagées, par des gens qui « ont une vraie capacité à créer le buzz, en utilisant les réseaux sociaux ».

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"Manipulation omniprésente"

Des rumeurs, des films ou des photos montées que relaient sans vérifier des journalistes « professionnels » insuffisamment formés. « Cette situation s’est encore aggravée à l’approche des élections », confirme Souhayr Belhassen, journaliste et présidente de la FIDH, pour qui « la manipulation de l’information est omniprésente (…) Aujourd’hui en Tunisie, la rumeur devient l’information ».

L’ATLN se dote alors d’un outil exclusivement dédié à « chasse aux rumeurs » sur internet : ch9alek.org. Sur le site, les internautes sont invités à déposer les informations douteuses qu’ils souhaitent voir vérifier par les autres membres de la communauté. « Lorsque nous avons trois sources concordantes et fiables qui nous apportent des preuves, nous confirmons ou non une information », explique Ben Osman.

Un million de morts figureraient sur les listes électorales de la Constituante ? L’« information », véhiculée par Facebook et relayée par certains médias, s’est amplifiée à un tel point qu’elle a justifié un démenti de Kamel Jendoubi, président de la Haute instance électorale. Après vérification par les « chasseurs de rumeurs », elle est classée comme « intox ». Mais leur travail a bien-sûr ses limites, et Ben Osman le reconnaît. Certaines informations, comme la présence au Maroc d’une fille cachée de Ben Ali, « sont absolument invérifiables ». Une modération du site est en outre nécessaire, pour « éviter les doublons et gérer les nouvelles trop fantaisistes ».

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Preuve récente du travail nécessaire de ch9alek.com : « deux médias – Al Arabiya et Tunivisions – ont relayé une information twitter qui annonçait la démission du Premier ministre Béji Caïd Essebsi, explique Khelil. Nous avons pu les premiers obtenir la preuve que ce n’était pas vrai, avant même la publication du démenti officiel  ». En quelques mois, le site a obtenu une certaine reconnaissance, à tel point que certains médias professionnels n’hésitent pas à le présenter comme une « source d’information » fiable.

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