France – Libye : la société française Amesys visée par une plainte pour « complicité d’actes de torture »

La Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) et la Ligue des droits de l’homme (LDH) ont déposé mercredi une plainte contre X avec constitution de partie civile auprès du Tribunal de grande instance de Paris mettant en cause la société française Amesys, filiale de Bull, pour complicité d’actes de torture en Libye.

Selon la FIDH, la technologie aurait permis à Kaddafi d’espionner toute la Libye. © AFP

Selon la FIDH, la technologie aurait permis à Kaddafi d’espionner toute la Libye. © AFP

Publié le 19 octobre 2011 Lecture : 3 minutes.

La société française Amesys va devoir expliquer ses activités en Libye. La Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) et la Ligue des droits de l’homme (LDH) ont déposé mercredi une plainte contre X avec constitution de partie civile auprès du Tribunal de grande instance de Paris, mettant en cause la société Amesys, filiale de Bull, pour complicité d’actes de torture en Libye.

« Nous souhaitons que l’information judiciaire soit ouverte au plus vite afin de déterminer les éventuelles responsabilités pénales de la société Amesys et de ses dirigeants », a déclaré Patrick Baudouin, président d’honneur de la FIDH et responsable de son Groupe d’action judiciaire.

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« Plus largement, cette procédure pourra contribuer à faire la lumière sur l’ampleur des crimes commis par le régime de Kadhafi », a déclaré Pierre Tartakowsky, président de la LDH. Les organisations justifient ainsi l’intitulé du chef d’accusation (« complicité de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ») par le fait que, selon elles, les dirigeants d’Amesys ne pouvaient ignorer à quel type de régime ils vendaient leur matériel.

Un programme d’écoute "à l’échelle d’un pays entier"

« Peut-on commercer avec le diable ? », demande ainsi Emmanuel Daoud avocat de la FIDH, pour qui une « entreprise (française) vendant du matériel qui permet d’interpeler, arrêter, détenir et torturer peut être pénalement poursuivie en France ». Cette plainte fait suite aux nombreuses révélations qui ont alimenté cette affaire depuis la chute de Tripoli.

C’est à ce moment, fin août, au cœur de la capitale libyenne, dans les bâtiments abandonnés du centre de surveillance des communications de l’ancien régime libyen, que des journalistes du Wall Street Journal ont découvert des documents prouvant que la société française avait conçu en 2007 et installé, un an plus tard, du matériel d’espionnage électronique et de surveillance d’Internet au régime du colonel Kadhafi. Un programme, baptisé Eagle, avait notamment été commandé par la Libye. Selon les révélations du site français Owni, Eagle avait « pour vocation d’intercepter et d’analyser l’intégralité des télécommunications, à l’échelle d’un pays tout entier ».

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Quel est le rôle de l’État français ?

Début octobre, c’est au tour du quotidien français Le Figaro de recueillir les témoignages ingénieurs de la société Bull et des militaires français retraités de la direction du renseignement militaire (DRM), avouant avoir « formé en 2008 les services de renseignements libyens » dans le but de placer la totalité du pays sur écoute.

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Peu enclin à communiquer sur le sujet, Amesys a d’abord démentie les accusations, avant d’admettre, devant la succession des révélations, l’existence d’un contrat passé avec le régime de Kadhafi en 2007. Mais l’entreprise a précisé que « toutes les activités d’Amesys respectent strictement les exigences légales et réglementaires des conventions internationales, européennes et françaises ».

La question du rôle de l’État français se pose ici. Il est en effet difficilement concevable que de telles technologies aient été vendues sans l’aval officiel de l’État. Or s’il reconnaît la vente du logiciel Eagle à la Libye, le ministère des Affaires étrangères français dément toute implication de l’État. Son porte-parole a assuré au journal Le Monde que « le logiciel Eagle ne (faisait) pas l’objet d’un contrôle à l’exportation » et que « l’État (français) n’a pas de visibilité sur son exportation ». Il contredit ainsi Amesys, qui affirme avoir obtenu une autorisation officielle.

Un vide juridique que la plainte de la FIDH et de la LDH espère entre autres combler.

 

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