Albert Tévoédjrè : « Je suis contre le refus de l’alternance » en politique

Médiateur de la république du Bénin, Albert Tévoédjrè revient sur les réformes menées par le président Boni Yayi. Et affirme que celui-ci n’a pas l’intention de « tripatouiller » la Constitution pour s’éterniser au pouvoir.

Pour réussir des réformes, il faut « la bonne personne à la bonne place », dit Albert Tévoédjrè. © D.R.

Pour réussir des réformes, il faut « la bonne personne à la bonne place », dit Albert Tévoédjrè. © D.R.

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Publié le 7 octobre 2011 Lecture : 4 minutes.

Jeuneafrique.com : Qu’est-ce qui, selon vous a changé depuis le début du second mandat du président Yayi Boni ?

Albert Tévoédjrè : Yayi Boni [en photo ci-dessous, © AFP, NDLR] a été réélu pour un deuxième mandat. Il travaille  pour que les réformes annoncées dans son projet de société puissent être rapidement mises en œuvre, n’étant plus intéressé par un marché électoral à conquérir à tout prix. C’est ma lecture des réformes engagées qui concernent notamment la mise au travail des Béninois, dans les secteurs clés de l’économie que sont la santé, l’éducation et les finances. C’est un signal déjà très fort, qui doit faire réfléchir tout Béninois soucieux de l’intérêt général et du développement de ce pays. Un pays qui vit dans la promotion et la culture de la grève, pour un oui ou un non, ne peut aller bien loin. Il faut en finir. C’est aussi cela que j’ai voulu souligner en présentant mon dernier rapport d’activités du Médiateur de la République.

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Yayi Boni peut-il réussir toutes les réformes qu’il a promises durant la campagne électorale ?

Le président Boni Yayi a déjà égrené environ 180 des 1 800 jours de son mandat présidentiel. Il lui en reste approximativement 1620, pour conduire à terme tout ce qu’il a entamé comme réformes. Il faut citer entre autres l’instauration d’un poste de Premier ministre, la révision de la Constitution, le Programme de vérification des importations, la loi sur la grève, etc. Les intentions qui sous-tendent ces réformes sont nobles. Il faut le reconnaître. Ce sont là des innovations qui naturellement bousculent des intérêts, des habitudes et qui induisent ipso facto de profondes mutations qui suscitent récriminations. C’est tout à fait normal. Ce n’est pas pour autant que j’affirmerais ici de façon péremptoire que ces réformes seront couronnées de succès. Tout dépendra de leur mise en œuvre. Tout clientélisme mis à part, il faut s’imposer le devoir d’aller chercher l’oiseau rare et le mettre à la place qu’il faut : « the right man at the right place », disent les Anglais.

Certains opposants soupçonnent le président de vouloir tripatouiller la Constitution pour se représenter. Si tel était le cas, quelle serait votre position ?

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La Constitution de décembre 1990 confrontée à l’épreuve du temps et des intrigues politiques a mis à nu un certain nombre d’insuffisances que reconnaissent les acteurs politiques et la société civile. Depuis Kérékou II, il était question de toiletter la Loi fondamentale. Mais craignant une révision opportune à des fins de conservation du pouvoir, cette option a été écartée Mais il faut bien que le texte soit révisé un jour et que quelqu’un en prenne l’initiative.

En prêtant serment pour son deuxième mandat, devant la Cour Constitutionnelle, le peuple souverain, les représentants de la communauté internationale et un parterre des chefs d’État africains, Yayi Boni a bien dit qu’il s’agissait de son dernier mandat. J’étais présent. J’ai entendu. Je peux même révéler que cette partie a été rédigée par lui-même dans la mesure où le projet de discours initial dont j’ai eu connaissance ne comportait pas cet élément. Je suis surpris de constater qu’on s’acharne à lui prêter des intentions et des manœuvres illusoires, au lieu de se préparer à le remplacer, le moment venu, par une équipe d’hommes et de femmes capables de faire éventuellement mieux que lui.

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Que répondez-vous donc aux pourfendeurs des réformes ?

Au regard du contexte démocratique dans lequel nous évoluons et qui consacre la liberté d’opinion et d’expression, je n’ai a priori rien à objecter aux pourfendeurs des réformes. En tant que citoyens, ils ont le droit de réagir par rapport aux questions touchant la cité. Mais je voudrais qu’ils se disent qu’aucun régime n’est parfait, puisqu’aucun homme ne l’est. Heureusement, nous avons au Bénin des institutions de contre-pouvoir, des partis politiques entreprenants, une presse libre, une société civile vigilante. À tous ces niveaux, le travail d’interpellation, de dénonciation, ou de veille citoyenne doit permettre à la démocratie de s’exercer pleinement.

Avez-vous proposé un septennat ? Que souhaitez-vous qu’on réforme dans la Constitution ?

Je n’ai jamais proposé sept ans de mandat présidentiel non-renouvelable. Je suis tout simplement frappé par les inquiétudes exprimées et les démarches entreprises au sujet du mandat présidentiel immédiatement renouvelable. Pendant que les uns, de la mouvance au pouvoir, dans la perspective d’un deuxième mandat, sont en quête de ressources pour entretenir et conserver le marché électoral, au détriment des tâches prioritaires de développement, les autres, de l’opposition, crient haut et fort au scandale et dénoncent l’usage des moyens de l’État pour se maintenir au pouvoir. Devant cette situation, une réflexion ne s’impose-t-elle pas ? En intellectuel, évidemment ! Eh bien, pour moi, une réflexion s’impose. D’autres pays ont connu des problèmes similaires et y ont trouvé des solutions.

C’est le cas du Mexique dont le président a un mandat présidentiel non renouvelable de six ans. Tout près de nous au Nigéria, Goodluck Jonathan a dû lancer lui-même les débats sur la question. Libérer le président élu des contraintes des marchés électoraux pour lui permettre d’avoir les coudées franches, de s’atteler aux tâches de développement prioritaire et de mettre la nation au travail, c’est dans ce cadre que se situent nos propos ; étant bien entendu que le Président sortant, au terme de ses deux mandats, n’est plus concerné par cette disposition. Je suis contre le refus de l’alternance, la confiscation du pouvoir par un homme ou un groupe d’hommes, sans possibilité réelle de changement.

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Propos recueillis par André Silver Konan

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