Côte d’Ivoire : la CPI, un pari risqué pour Ouattara
L’ouverture d’une enquête de la CPI sur les violences durant la crise postélectorale inquiète l’entourage de Alassane Ouattara. La justice internationale peut être une arme à double tranchant pour le pouvoir. Mais le nouveau président peut également s’en servir pour faire peser une épée de Damoclès sur ceux qui, dans son camp, auraient trop d’ambition.
L’entrée en scène de la CPI, désormais officielles avec l’annonce de l’ouverture d’une enquête sur les crimes commis pendant la crise postélectorale, ne comporte a priori qu’un réel avantage pour Alassane Ouattara. « Il vaut mieux que Gbagbo soit jugé à l’extérieur, il y aura moins de suspicion d’une "justice des vainqueurs" », résume Christian Bouquet, professeur de géographie à Bordeaux (France) et fin connaisseur de la crise ivoirienne.
Car les inconvénients liés à l’irruption de la CPI et de son charismatique procureur, l’Argentin Luis Moreno-Ocampo (voir photo ci-dessous), semblent nombreux et difficiles à gérer pour le camp du nouveau président. Si mardi, Le Patriote (quotidien pro-Ouattara) titrait : « Gbagbo ira en prison chez les Blancs », Le Temps, (pro-Gbagbo) clamait : « Soro et Ouattara dans des beaux draps ! » De fait, les juges de la CPI ont indexé de manière égale les deux camps pour des attaques commises contre la population civile.
"Compliquer la donne"
La CPI peut « compliquer encore plus la donne » en semant le trouble au sein du nouveau régime, explique un diplomate en poste à Abidjan. « Chez certains c’est panique à bord », ajoute-t-il, une « grosse crise » étant redoutée si des cadres FRCI devaient à terme être livrés à La Haye alors que la réunification de l’armée est à peine entamée. Un désarroi que tente de couvrir le régime qui affiche sa sérénité. Lundi, le ministre de la Justice Jeannot Ahoussou Kouadio assurait notamment n’avoir « aucune gêne, aucune crainte » quant à la procédure.
Le chemin de crête est étroit pour le nouveau président, tant l’arme de la CPI est à double tranchant. Mais il serait étonnant que le pari de la CPI n’ait pas été murement réfléchi. L’entourage de Ouattara explique que celui-ci a dit « à plusieurs reprises » à ses combattants pendant la crise d’avoir « un comportement exemplaire », jurant que « personne ne sera protégé ». Malgré ces mises en garde, l’ex-comzone Chérif Ousmane, entre autres, s’est attiré la foudre des ONG internationales pour des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité présumés.
Méfiance tous azimuts
Ce pilier de la rébellion nordiste de 2002, qui fut chef des opérations FRCI dans le bastion pro-Gbagbo de Yopougon, à Abidjan, a été nommé après la crise numéro 2 de la garde présidentielle. Mais s’il est un homme de confiance d’Alassane Ouattara, ce dernier s’en méfie. Et une chose est sûre : « cela peut rendre service au pouvoir que ce soit l’extérieur qui gère ce genre d’affaires », lesquelles « l’embarrassent encore plus » que d’être suspecté de partialité en envoyant Gbagbo à la CPI, explique Christian Bouquet. Une situation délicate qui explique enfin que Ouattara redoute désormais presque autant des attentats provenant du camp Gbagbo que… du sien.
(Avec AFP)
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