Mauritanie : la contestation du recensement s’envenime, heurts à Nouakchott
La répression de manifestations de jeunes Négro-Mauritaniens a fait un mort dans le sud du pays mardi et, à Nouakchott, des heurts ont éclatés jeudi entre la police et des manifestants. Ceux-ci réclament l’arrêt du recensement qu’ils jugent raciste et discriminatoire. Le président de l’Assemblée nationale en demande quant à lui la suspension, pour préserver la cohésion sociale.
Mis à jour à 18h02
Le 28 septembre, le Sud de la Mauritanie s’est réveillé dans le calme. La veille, de violents affrontements avaient opposé les forces de l’ordre aux jeunes Négro-Mauritaniens. Ces derniers, âgés de 10 à 20 ans, manifestaient depuis le 24 septembre à Maghama et Kaédi contre le recensement de la population, qu’ils jugent discriminatoire. Mais, derrière cette apparente accalmie, les tensions restent vives, comme le montrent les nouveaux heurts qui se sont produits à Nouakchott jeudi 29 septembre. La police a bloqué une manifestation de jeunes qui marchaient vers l’Assemblée nationale pour demander aux députés de rejoindre leur cause.
Mardi, la protestation avait pris une tournure dramatique à Maghama, où un adolescent de 19 ans, Lamine Mangane, a été tué d’une balle dans la poitrine. Neuf jeunes ont été gravement blessés. À Kaédi, où des édifices publics et des commerces ont été pillés et incendiés, une quarantaine de personnes ont été arrêtées, dont la moitié ont été libérées suite à une trêve.
« La photo de Lamine circule à Maghama, les gens sont complètement révoltés, confie Ibrahima Diallo, représentant des FLAM (Forces de libération africaines de Mauritanie) à Paris. Les mères se mettent à la place de celle de Lamine et elles n’hésitent plus à sortir dans la rue. Il est devenu un des martyrs de la Mauritanie. » Les manifestants réclament aussi que les gendarmes, auteurs des tirs, soient immédiatement sanctionnés.
"Les manifestants n’ont plus rien à perdre"
« Les policiers se sont déchaînés sur des adolescents, poursuit Ibrahima Diallo. Ils cherchent à faire peur aux gens, mais ceux-ci n’ont plus rien à perdre et la mobilisation prend de l’ampleur. » Alors que les premières manifestations, en mai, ne rassemblaient que quelques centaines de personnes, elles en mobilisent désormais des milliers. Elles ont lieu dans toutes les grandes villes du Sud de la Mauritanie, ainsi qu’à New-York, Montréal, Bruxelles, Paris et Dakar.
Le 27 septembre, Mohamed Ould Boilil, le ministre de l’Intérieur, a indiqué que le recensement se poursuivait et qu’il « ne sera permis à quiconque de troubler la quiétude des citoyens ou de perturber l’ordre public. » Une déclaration qui a contribué à envenimer une situation déjà tendue. D’autant que le ministre avait reçu le 25 septembre à Nouakchott les dirigeants du collectif « Touche pas à ma nationalité. » « Il leur a dit qu’il allait revenir sur la composition des commissions nationales d’enrôlement, qu’aucun Mauritanien ne serait laissé en dehors de ces enregistrements et qu’il se donnait le temps de les revoir et de leur proposer des choses concrètes », assure Ibrahima Diallo.
Nombreux soutiens
Les revendications des manifestants sont claires et inchangées : ils demandent l’arrêt pur et simple du recensement. « Il est mal organisé et très discriminatoire, s’indigne Haimout Ba, représentant de l’UFP (Union des Forces de Progrès, parti d’opposition) en France. S’il était digne de nom, il ne susciterait pas d’emblée l’hostilité de la population ! Le but est de contrôler tous les leviers de l’État en justifiant que les Noirs Mauritaniens y sont moins représentés car ils sont moins représentés démographiquement. »
Les soutiens aux Négro-Mauritaniens se font de plus en plus nombreux. Le 28 septembre, la Coalition de la majorité présidentielle (CMP) a appelé le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour permettre le retour au calme. Messaoud Ould Boulkheir, le président de l’Assemblée nationale a demandé la suspension du recensement. Et l’organisation anti-esclavagiste Ira a condamné les violences subies par les manifestants. « Le mouvement se radicalise, prévient Haimout Ba. Si le pacte social s’effondre, le pays basculera dans la guerre civile. »
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