Guinée : commémoration du massacre du 28 septembre sous tension à Conakry
Mercredi, la Guinée a commémoré le massacre de 150 opposants le 28 septembre 2009 à Conakry, au lendemain de violences entre forces de l’ordre et partisans de l’opposition qui ont fait au moins deux morts et une quarantaine de blessés.
Alors qu’hier se déroulait une cérémonie officielle au Palais du peuple (Assemblée nationale) en présence de ministres et dignitaires religieux, plusieurs témoins ont dénoncé auprès de l’AFP des descentes musclées de gendarmes dans plusieurs quartiers de Conakry, considérés comme des fiefs de l’opposition.
Intimidations et violences
« Ici à Bambeto et Dar Es Salaam, nous sommes terrorisés depuis ce matin par des dizaines de gendarmes qui sont entrés dans les quartiers, attaquent tout le monde, frappent des femmes, des vieux, pourchassent et arrêtent des jeunes », a déclaré sous couvert d’anonymat l’un de ces témoins, un haut fonctionnaire.
Les mêmes témoins ont évoqué l’arrestation de dizaines de personnes par les forces de l’ordre, sans toutefois pouvoir en préciser le chiffre. La commémoration du massacre du 28 septembre, qui coïncide avec celle du jour de 1958 où les Guinéens ont dit « non » au maintien de leur pays dans le giron français, se déroule au lendemain de heurts sanglants à Conakry entre forces de l’ordre et opposants.
Ces violences ont éclaté suite à l’interdiction d’un rassemblement de l’opposition qui entendait exprimer sa crainte d’une fraude électorale à l’occasion des futures législatives prévues le 29 décembre.
Mercredi soir, le procureur du tribunal de Dixinn (banlieue de Conakry), Mohamed Saïd Haïdara, a annoncé sur la télévision d’État que la police et la gendarmerie ont interpellé au total « 322 suspects », dont sept mineurs, pour « une série d’infractions consécutives » au rassemblement.
Les faits qui leurs sont reprochés sont les suivants : « attroupements interdits sur la voie publique, destruction d’édifices, coups et blessures volontaires, outrages envers les dépositaires de la force publique, violences, vols et homicides ».
Les suspects seront présentés à un juge « à l’issue des délais de garde à vue » et « toutes les dispositions seront prises pour que les audiences commencent le vendredi 30 septembre étant donné qu’il s’agit de procédure de flagrant délit », a-t-il précisé.
Amnesty International a demandé « une enquête immédiate » sur les morts de mardi et a estimé « profondément inquiétant que le président Alpha Condé semble recourir exactement aux mêmes méthodes brutales que ses prédécesseurs ».
Les présumés coupables promus
Le massacre perpétué en 2009 par la junte militaire du capitane Moussa Dadis Camara s’était déroulé au Stade du 28 septembre, le même où l’opposition avait prévu d’organiser mardi son rassemblement.
Le 28 septembre 2009, des milliers d’opposants y étaient rassemblés pour dire non à une candidature du capitaine Camara à la présidentielle de l’année suivante. Les forces de sécurité ont alors pénétré dans le stade et se sont livrées à un déchainement de violence. Bilan : au moins 157 morts, des centaines de blessés, 131 femmes violées et 84 disparus recensés.
Deux ans après, aucun des responsables supposés n’a été arrêté et « nous assistons impuissants à la promotion de certains présumés auteurs de la barbarie à de hautes fonctions civiles et militaires », déplore l’Organisation guinéenne de défense des droits de l’Homme (OGDH).
L’organisation Human Rights Watch (HRW) affirme que parmi les promus figurent le « lieutenant-colonel Claude Pivi comme ministre à la Sécurité présidentielle » et le « lieutenant-colonel Moussa Tiégboro Camara comme directeur de l’Agence nationale de lutte contre la drogue, le crime organisé et le terrorisme ».
La Fédération internationale des droits de l’Homme et l’OGDH estiment que « dans un contexte politique particulièrement tendu à l’approche des élections législatives (…) il est urgent que justice soit faite pour les victimes du 28 septembre 2009 ».
(Avec AFP)
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