Israël – Palestine : « l’apartheid » palestinienne discutée en Afrique du Sud
Au moment où se tient l’Assemblée générale des Nations unies qui va décider de l’avenir d’un État palestinien, l’Afrique du Sud s’interroge sur le risque d’apartheid que courent les Territoires occupés. Au banc des accusés : Israël.
Alors que l’Afrique du Sud, membre non permanent du Conseil de Sécurité, vient d’annoncer son soutien à la reconnaissance d’un État palestinien sur les frontières de 1967, un débat sur le risque d’un régime d’apartheid imposé par Israël dans les Territoires occupés s’invite dans la presse nationale.
Les vifs échanges entretenus dans le courrier des lecteurs du quotidien The Star en disent long sur l’intérêt que les Sud-africains portent à la question. Tandis que Nazir A Osman dénonce « un régime raciste qui ignore les résolutions de l’ONU et commet tous les jours de grossières violations des droits de l’homme », Don Krausz défend Israël de telles accusations, prenant l’exemple des plages ouvertes à toutes les races en Israël ou la présence d’une Arabe à la Cour suprême.
Interrogé par l’AFP, l’ambassadeur palestinien à Pretoria Ali Halimeh estime que le « débat a toujours existé ici, depuis longtemps. » « C’est un débat pacifique et intelligent par média interposés que nous encourageons », a-t-il ajouté.
L’Afrique du Sud, où les Palestiniens disposent d’une ambassade de premier rang depuis 1994, « est le lieu naturel pour débattre de savoir si Israël pratique une forme d’apartheid, pas en Israël même mais dans les Territoires occupés », considère John Dugard, rapporteur spécial à l’ONU sur les droits de l’homme dans les Territoires occupés de 2000 à 2006.
"similitudes" entre l’apartheid et la situation palestinienne
Ce professeur de droit parraine aujourd’hui le Tribunal Russell pour la Palestine, crée en 2009 sur le modèle de celui qui jugea les crimes de guerre commis par l’armée américaine au Vietnam dans les années 1960. Un tribunal d’opinons pour éveiller les consciences sur la situation israélo-palestinienne et « punir l’impunité d’Israël ». La troisième session de ce tribunal d’opinion devra justement se tenir en Afrique du Sud, à Johannesburg en novembre prochain. Une vulgaire « mascarade » pour Tel Aviv.
Selon John Dugard, le parallèle entre le régime ségrégationniste qu’a connu l’Afrique du Sud pendant quasiment un demi-siècle et la situation dans laquelle évolue en ce moment près de 2 millions de Palestiniens est approprié. « Ma propre expérience m’a malheureusement conduit à voir d’importantes similitudes », confie le juriste sud-africain. « Discrimination, répression et fragmentation territoriale, les trois aspects dominants de l’apartheid », selon le rapporteur spécial à l’ONU, se retrouveraient dans les Territoires occupés. Une opinion que partage l’ambassadeur palestinien à Prétoria : « certains faits ou mesures en Israël ressemblent à l’apartheid mais pas le système ».
"Bantoustanisation" de la Palestine
L’occupation de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est s’intensifie. Un mois avant l’Assemblée générale à New York où l’Autorité palestinienne soumet sa candidature d’adhésion, le gouvernement de Benyamin Netanyahu a annoncé la construction de 1600 nouveaux logements à Jérusalem-Est.
Au total, plus de 500 000 colons vivent en huis clos dans les Territoires palestiniens, dont près de la moitié dans la partie orientale de Jérusalem, pourtant destinée à devenir la capitale du futur État palestinien, d’après les estimations de B’Tselem, ONG israélienne de défense des droits de l’homme dans les Territoires Occupés. A leur disposition, un réseau routier interdit aux Palestiniens, qui relient les colonies les unes aux autres. Et pour leur sécurité, un dispositif militaire important.
Un parallèle que les palestiniens eux-mêmes approuvent, dénonçant ce qu’ils appellent la « Bantoustanisation » de la Palestine. A l’instar des Bantoustan sud-africains, qui regroupaient la population noire du pays durant l’apartheid, les Territoires palestiniens ressemblent de plus en plus des îlots isolés les uns des autres. Un morcellement tel, qu’il rend difficile la création d’un État palestinien.
Depuis les Accords d’Oslo de 1995, la Cisjordanie est toujours divisée en trois zones : la zone A, qui comprend les principales villes, est administrée par l’Autorité palestinienne ; la zone B où l’Autorité palestinienne et Israël se partagent les compétences d’administration ; et la zone C, qui représente 60% de la Cisjordanie, où Israël jouit d’un contrôle total.
Du côté israélien, on réfute catégoriquement cette comparaison. Elle « est fausse et dangereuse », tranche Yaakov Finkelstein, numéro deux de l’ambassade d’Israël à Pretoria. C’est une « insulte à la mémoire de ceux qui ont lutté contre l’apartheid. Ce sont des histoires, des buts, des situations absolument différentes. Elle est utilisé à des fins politiques », a-t-il déclaré à l’AFP.
(Avec AFP)
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