Algérie : la presse algérienne fustige la France pour l’affaire des moines de Tibhirine
Suite à la diffusion d’un documentaire français pointant une nouvelle fois la responsabilité des généraux et du renseignement algériens dans la mort des moines de Tibhirine en 1996, la presse algérienne fait feu de tout bois. Et met en cause le rôle de la France dans cette affaire.
Calme plat à Paris et Alger. Mais de son côté, la presse algérienne se déchaîne contre la France. Le quatrième pouvoir n’est pourtant pas tendre en général à l’égard des autorités algériennes, mais il est souvent utilisé – ici comme ailleurs – par le renseignement militaire pour communiquer. De fait, la diffusion lundi du documentaire de Canal + réalisé par Jean-Baptiste Rivoire et intitulé « Le crime de Tibhirine », a suscité un petit séisme médiatique en Algérie.
Difficiles à corroborer, les témoignages que le documentaire présente met une nouvelle fois en cause la sécurité militaire algérienne (DRS), au même titre que le Groupe islamique armé (GIA), dans l’enlèvement puis l’assassinat des sept pères Blancs pendant la guerre civile en algérienne, en 1996.
La longue liste des articles critiques vis-à-vis du documentaire débute dimanche par un dossier à la Une d’El-Watan, qui cite des terroristes repentis et publie des documents déclassifiés en France. Selon le quotidien, le gouvernement français avait envoyé un négociateur au PC terroriste du GIA de Djamel Zitouni, tout en affirmant qu’il ne discutait pas avec les djihadistes. Mais la puce de géo-localisation dont était dotée la montre de l’émissaire aurait été détectée. Une découverte qui aurait précipité la mort des moines.
Pluie de "révélations"
La Une de Liberté, lundi, affirme également faire pleuvoir les « révélations », cette fois sur les « contacts DGSE-GIA ». Selon le journal, les services de sécurité algériens détiendraient une cassette du compte-rendu d’un émissaire de Zitouni parti pour initier des négociations à l’ambassade de France. Un éditorial du journal pointe une guerre des clans franco-français qui aurait « précipité l’exécution des moines par le GIA ».
Mardi, le journal gouvernemental El-Moudjahid a poursuivi l’offensive avec l’interview d’un ancien directeur de la DST (Direction de la Surveillance du Territoire, ancien nom du service de contre-espionnage français) Yves Bonnet. Dans sa bouche, le mot « mensonge » est utilisé pour qualifier les « élucubrations » d’un général qu’il n’identifie pas…
Les autres titres de la presse algérienne sont tout aussi éloquents. « Documenteur » titrait mercredi L’Expression. « Le but évident est de discréditer les services de sécurité algériens » et de « disculper le GIA de ses crimes » écrit ce quotidien de langue française – et pourtant très anti-français -, qui voit dans le documentaire la main des services secrets français. Même son de cloche chez Ecchourouk, quotidien arabophone de grand tirage. « Des cercles français font revivre le GIA et recrutent de faux témoins pour promouvoir une révolution supposée en Algérie », affirme-t-il.
Silence assourdissant
Un capharnaüm de réactions en série qui contraste avec le silence assourdissant des autorités algériennes, lesquelles suspectent vraisemblablement le renseignement français d’être à la source du documentaire de Riboire, lui-même également auteur d’un ouvrage récent sur Tibhirine. Quoi qu’il en soit, l’affaire des moines provoque à nouveau le malaise dans les relations franco-algériennes, qui avaient déjà commencé à se tendre avec l’accusation d’« ambiguïté » envers la Libye, lancée le 1er septembre par le chef de la diplomatie française Alain Juppé à l’égard d’Alger. Précédemment, les rapports entre les deux pays s’étaient pourtant réchauffés avec la mission économique de Jean-Pierre Raffarin, terminée au début de juin 2011. Comme quoi, dans ce domaine, rien n’est jamais acquis.
Preuve supplémentaire de la tension croissante envers les deux capitales : dimanche la Commission nationale consultative pour la promotion et la protection des droits de l’Homme en Algérie (CNCPPDH), proche du pouvoir, a condamné « l’ingérence immorale » de la France en Libye, sous « le prétexte de la démocratie contre la dictature et celui de la liberté contre l’arbitraire ».
(Avec AFP)
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