Yves Coppens : le singe découvert « précède la grande bifurcation entre pré-chimpanzés et pré-humains »

On lui doit la découverte de Lucy en 1974. C’est donc tout naturellement qu’Yves Coppens, l’un des plus grands spécialistes de l’évolution humaine, a assisté lundi 19 septembre au Museum national d’Histoire naturelle (MNHN) à la présentation exceptionnelle du crâne d’un grand singe vieux de 20 millions d’années, découvert le 18 juillet 2011 dans la région de Karamoja au Nord-Est de l’Ouganda. Un moment doublement important, puisqu’une ancienne élève, la professeur Brigitte Senut, fait partie de l’équipe qui a découvert le crâne. Entretien.

Yves Coppens, spécialiste de l’évolution humaine, a découvert Lucy en 1974. © AFP

Yves Coppens, spécialiste de l’évolution humaine, a découvert Lucy en 1974. © AFP

Publié le 28 septembre 2011 Lecture : 2 minutes.

jeuneafrique.com : pouvez-vous dire aujourd’hui que l’élève Brigitte Senut a  dépassé le maître ? De quelle manière l’avez-vous influencée ?

Yves Coppens : C’est toujours sympa de voir ses élèves travailler sans relâche et faire des découvertes et vous dépasser. Oui c’est ça l’élève a dépassé le maître, il ne faut pas avoir peur de le dire ! Je crois que Brigitte avait été frappée par mes grandes expéditions dans le sud de l’Ethiopie. C’était avant que je découvre Lucy et déjà je lui ai transmis en quelque sorte cette passion de la recherche sur le terrain (Lire l’interview de Brigitte Senut ici, NDLR).

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Quel est l’intérêt de cette récente découverte ?

L’intérêt est triple. D’abord, il s’agit d’un crâne presque complet, ce qui est rare. Ensuite, il appartient à un primate et de grande taille de surcroît ! Il est vieux de 20 millions d’années et précède donc la grande bifurcation probable entre les pré-chimpanzés et les pré-humains. C’est un ancêtre commun : africain et tropical. Tout le travail d’analyse reste à faire maintenant, et cela est du ressort des scientifiques.

Le Museum national d’Histoire naturelle vient d’acquérir justement le scanner le plus performant dans le monde des sciences naturelles, que va-t-il apporter ?

Quand j’ai découvert Lucy avec d’autres chercheurs en 1974, il a fallu faire avec les moyens de l’époque ! Nous avions pu identifier qu’il s’agissait d’un australopithèque seulement 4 ans plus tard, en 1978. Le fait d’avoir un tel équipement à disposition permet indéniablement de gagner du temps ! L’analyse d’une tranche virtuelle est tout aussi fiable et beaucoup plus rapide. Ce scanner spécifique permet d’étudier les structures internes sans aucune coupe. A mon époque, j’avais déjà imaginé une sorte de palpeur qui livrerait une somme d’informations indispensables car les ossements sont remplis de mémoire.

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Vous avez alors beaucoup à apprendre encore de Lucy. Allez-vous la faire revenir pour de nouvelles analyses  dans ce scanner ultra moderne et performant ?

Oui, il faudra voir avec les autorités éthiopiennes. L’Ethiopie nous avait demandé de la rendre en 1980. Mais effectivement, nous avons encore beaucoup à apprendre de Lucy.

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Quels sont vos projets ?

J’ai un chantier en Mongolie, où il reste de homo-sapiens. C’est un chantier important pour l’étude des origines de l’homme moderne. Et aussi une opération internationale en Sibérie avec la fonte du permafrost (dû au réchauffement climatique) ; il y a des bestioles qui remontent à la surface  et j’aimerais trouver un bonhomme ! Un chasseur qui se serait fait prendre dans le sous-sol gelé…ou une chasseresse !

Propos recueillis par Alexandra Boquillon
 

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