Côte d’Ivoire : « Les auteurs du putsch de 1999 lavent Ouattara de toute responsabilité »

En 1999, en tant que journaliste au quotidien « Le Jour », Joachim Beugré est un témoin-clé des turbulences qui agitent son pays. Une période sur laquelle il revient dans son livre-enquête « Côte d’Ivoire : coup d’État de 1999. La vérité enfin ». Qui sont les « jeunes gens » responsables du putsch, quelles sont leurs motivations, leurs rapports avec le chef de la junte qu’ils portent au pouvoir, le général Robert Guéï ? Interview.

Le général Gueï entouré des putschistes, en décembre 1999. © AFP

Le général Gueï entouré des putschistes, en décembre 1999. © AFP

Publié le 20 septembre 2011 Lecture : 2 minutes.

Vous présentez le sergent Souleymane Diarrassouba comme le cerveau du coup d’État de 1999 en Côte d’ivoire alors que c’est plutôt le nom du Sergent Ibrahim Coulibaly qui se murmure lorsqu’on parle des vrais auteurs du coup…

Joachim Beugré (en photo, ci-dessous) : Il y avait 3 groupuscules qui ont  fini par se rencontrer et qui ont décidé de fusionner. Il y avait le groupe de Souleymane Diomandé dit « La Grenade » ; il y avait également celui mené par Aboudramani Ouattara dit « L’enfant de Kong » et enfin, le groupe  d’Ibrahim Coulibaly dit « IB ». Le meneur était le sergent Souleymane Diarrasouba, dit aussi « Vieux Lion », qui était le plus charismatique, le plus stratège et le plus organisé du groupe. C’était un sergent du corps d’élite qu’était la Force d’intervention rapide des para-commandos. Bien que sous-officier, il était formateur à l’École de police. Aujourd’hui encore, on peut constater le charisme et le sens de l’organisation de « La Grenade » sur le terrain militaire. Cherif Ousmane, Gaoussou Koné dit « Jah Gao » et Coulibaly Ousmane dit « Ben Laden », qui étaient des éléments de « La grenade » sont reconnus pour être  les plus organisés des chefs militaires.

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Comment expliquez-vous le fait que les auteurs du coup d’État de 1999 soient également ceux de la rébellion de 2002 

En 1999, leur mobile était la crise identitaire. Ils étaient tous des sous-officiers de la même ethnie du nord de la Côte d’Ivoire. Ils estimaient que leur communauté ethnique et religieuse était  brimée par le régime de Henri Konan Bedié. Ils constataient que Bedié, avec son concept d’ivoirité, divisait plus qu’il ne bâtissait une nation et ils ont alors décidé de  le renverser  pour installer des hommes qui seraient plus soucieux de bâtir une véritable nation et d’instaurer la démocratie. Et si en 2002 ils ont tenté de renverser Laurent Gbagbo, c’est parce qu’ils ont constaté les mêmes dérives identitaires.  

Le livre lave Alassane Ouattara de tout soupçon quand à une éventuelle participation à ce coup d’État…

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Ce n’est pas le livre qui blanchit Ouattara, ce sont les auteurs eux-mêmes qui disent, dès le 28 décembre 1999, qu’il ne leur a été d’aucun soutien, ni moral, ni financier dans la préparation et dans l’exécution de ce coup. Aboudramani Ouattara qui reconnaît avoir approché Ibrahim Ouattara, le frère d’Alassane Ouattara, explique clairement que ce dernier a refusé de lui donner de l’argent. Toutefois, je reconnais qu’Alassane Ouattara leur a servi de terreau fertile pour mener leur coup d’État puisqu’ils voyaient tous Ouattara comme le porte-flambeau du Nord. Malgré la sympathie qu’ils avouent tous avoir pour Ouattara, c’est le général Guei qu’ils ont décidé de porter à la tête de l’État.

Mais en septembre 2000,  ils sont accusés d’avoir tenté de renverser Robert Guei. C’est le « complot du Cheval blanc » sur lequel vous revenez dans l’ouvrage.

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Ils accusaient Robert Guei de haute trahison en décidant de se présenter à l’élection présidentielle suivante. Le projet a échoué et Souleymane Diomandé et Aboudramani Ouattara y ont laissé leur vie. Dans une interview, le premier était clair : « si le général Guei s’accroche au pouvoir pour semer la dictature et la division, il sait ce qui l’attend »

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Propos recueillis par Edwige Hardmong, à Abidjan
 
Côte d’Ivoire : coup d’État de 1999. La vérité enfin, Joachim Beugré, les Éditions du Cerap, Abidjan 2011, 220 pages.

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