WikiLeaks – Burkina Faso : comment les États-Unis jugent Blaise Compaoré

Le câble daté du 6 mars 2009 (09OUAGADOUGOU145) est l’occasion pour l’ambassadrice américaine Jeanine Jackson, qui quitte le Burkina Faso, de livrer ses réflexions sur le pays, son président, Blaise Compaoré, et sur la succession de celui-ci. Traduction des principaux passages du document.

Publié le 14 septembre 2011 Lecture : 4 minutes.

4 ) Pendant mes conversations privées avec lui [Blaise Compaoré, NDLR], je l’ai trouvé extrêmement sérieux, authentique et très bien informé. On m’a dit que ses plus proches conseillers adoraient travailler avec lui. Alors qu’ils travaillent de longues heures, voyagent beaucoup et reçoivent fréquemment de nombreux visiteurs, il trouve régulièrement le temps de les emmener sur le terrain de foot pour décompresser. Au départ, ce sont eux qui  l’ont poussé à travailler son image et ce sont eux qui peuvent le convaincre de laisser tranquillement le pouvoir en 2015 – ou de rester en place pour grader le pays sur le droit chemin.

5) (…) Une des raisons pour lesquelles il favorise des liens étroits avec les États-Unis est une tentative de renforcer son image au niveau international et par conséquent de consolider sa position à l’échelle nationale. L’élection clef ne sera pas 2010 mais 2015. Compaoré, que la Constitution, dans l’état actuel, empêche de se représenter en 2015, devra décider s’il se voit à l’avenir en simple citoyen. Il peut choisir entre agir comme plusieurs autres dirigeants africains en modifiant – encore –  la Constitution ou se retirer avec élégance pour devenir un médiateur entre chefs d’État africains.

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6) Plusieurs observateurs pensent que Compaoré va effectivement amender la Constitution dans le but de briguer un nouveau mandat, suivant ainsi les conseils de Kadhafi, selon lequel « si un président est bon pour le pays, la Constitution doit être modifiée pour le maintenir au pouvoir ». Autre raison pour laquelle le président Compaoré n’est pas prêt de lâcher son siège, les accusations de violations présumées des droits humains dans les années 1980 et 1990 qui reviendront  le hanter si son successeur n’est pas assez proche de lui et/ou de son parti. De plus, les fidèles qui ont profité du clientélisme et du népotisme sous la présidence de Compaoré vont probablement l’encourager à se représenter en 2015.

7) Si Compaoré ne quitte pas le pouvoir, la question se pose alors : qui peut prendre sa place ? Des spéculations récentes misent sur son frère François Compaoré. Bien que François Compaoré soit un économiste bardé de diplômes et conseiller du président, il n’est pas du tout populaire dans la société du Burkina Faso à cause des accusations qui plane sur lui du meurtre d’un journaliste respecté, Norbert Zongo, en 1998. Il est aussi accusé de corruption. Il est peu envisageable que le président Compaoré soutienne son frère au risque de perdre sa popularité.

Il apparaît qu’il y a plusieurs années, Compaoré a commencé à faire monter Gilbert Ouedraogo comme un successeur potentiel. Ouedraogo, fils d’un ex-président (en réalité son père était Premier ministre, NDLR), est l’actuel ministre des Transports et leader du parti d’opposition, Rassemblement démocratique africain / l’Alliance pour la démocratie et la fédération (ADF/RDA). L’ADF est alignée sur le président mais critique le gouvernement sur plusieurs questions nationales. Il n’est plus certain qu’Ouedraogo demeure favori à la succession. (Commentaire : Ouedraogo a participé au programme des visiteurs internationaux et a une opinion très positive des États-Unis). (…)

10) Le Premier ministre Zongo devrait écrire un livre intitulé « Les secrets de pouvoir de Tertius Zongo ». Aux États-Unis, c’était un ambassadeur énergique mais même les citoyens et les donateurs le plus sceptiques sont étonnés de ce qu’il a accompli en 18 mois au poste de Premier ministre. Il a une approche censée et s’est occupé de lutter contre la corruption à tous les niveaux ; faisant de l’éducation sa priorité ; rapprochant le gouvernement de la population à travers tout le pays ; choisissant de bons ministres et leur enseignant comment progresser efficacement en utilisant les principes américains de la « gestion par objectifs » ; et consultant les partenaires bilatéraux ou internationaux sur les problèmes majeurs. En tant que principal artisan de l’élection du Burkina Faso à un MCC [Millenium Challenge Corporation, NDLR] compact, il continue d’utiliser les résultats des 17 indicateurs de performances du MCC comme de repères pour hiérarchiser ses priorités. Zongo sait jusqu’à quel point il peut encourager le gouvernement et le secteur privé à réduire la corruption sans trop faire de vague au sein des plus hautes instances de décisions. Longtemps simple fonctionnaire, Zongo ne sera probablement pas candidat à la présidentielle en 2015.

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Commentaire :

11) Il est difficile pour moi de me prononcer sur la capacité de Zongo et de Compaoré à diriger la transition vers un système démocratique durable et plus stable. Il me semble que Zongo le souhaite vraiment et Compaoré pourrait être séduit par un système et des institutions démocratiques s’il pense y avoir un avenir et que le pays ne tombera pas dans le chaos. Si nous les poussons, les  pressons, les « cajolons » et travaillons avec eux pour continuer le processus nous pourrions vraiment les aider à faire de ce pays une réelle success story. Cela ne sera pas facile, mais l’effort en vaut la peine.

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Retrouvez le câble original en anglais, ici.

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