Cameroun : quand WikiLeaks affole les médias
Le ministre camerounais de la Justice, Amadou Ali a confié à un diplomate américain ses appréhensions sur l’après-Biya. Rapportés par Wikileaks, ses propos sont à la Une de tous les journaux locaux.
« Les trois régions du Nord qui sont ethniquement et culturellement différentes du reste du Cameroun vont continuer à apporter leur soutien à Biya aussi longtemps qu’il souhaitera demeurer président, mais le prochain président du Cameroun ne viendra pas de l’ethnie beti/bulu de Biya. Les Betis sont trop peu nombreux pour s’opposer aux nordistes, encore moins au reste du Cameroun. Des Bamilékés ont fait des ouvertures à des élites du Nord pour forger une alliance entre leurs régions respectives, mais les nordistes étaient si méfiants sur les intentions des Bamilékés qu’ils ne concluraient jamais une alliance pour soutenir un pouvoir politique bamiléké ». Ces propos, révélés par WikiLeaks, auraient été tenus par le ministre de la Justice Amadou Ali, lors d’un entretien en 2009 avec l’ancien ambassadeur des États-Unis au Cameroun, Janet Garvey.
De quoi susciter un tôlé général au sein de l’opinion nationale et faire les choux gras de la presse locale. Des leaders politiques et des membres de la société civile sont aussitôt montés sur leurs grands chevaux. « Cette déclaration relève d’une autre époque », a réagi Charles Ateba Eyéné, écrivain et membre influent du parti au pouvoir, le RDPC. Selon Pierre Abanda Npama, président du Mouvement africain pour la nouvelle indépendance et la démocratie (Manidem), « ce sont des propos indécents et dangereux ».
"Dérive d’une gravité extrême"
« Cette dérive est d’une gravité extrême », estime pour sa part Victorin Hameni Bieleu, président de l’Union des forces démocratiques du Cameroun (UFDC). Maître Alice Nkom, avocate au barreau du Cameroun estime de son côté que ce sont « des propos contre l’unité nationale ». Plus tranché que tous les autres encore, Jean-Michel Nintcheu, député du Front social démocratique (SDF), exige la démission du ministre Amadou Ali et l’ouverture contre lui d’une information judiciaire. Toutes ces réactions et d’autres font la Une des quotidiens camerounais depuis quatre jours.
Une tempête dans un verre d’eau ? Mardi 6 septembre, Amadou Ali a confié à l’un de ses proches qu’il avait effectivement eu des entretiens avec la diplomate en question. Mais sans tenir de propos injurieux envers les communautés concernées. « Je m’exprimais en français tandis que la diplomate américaine parlait l’anglais », a assuré Amadou Ali à notre source. En insinuant implicitement que ses propos avaient été mal interprétés.
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