Terrorisme au Sahel : derrière la coopération, chacun joue sa partition
Durant deux jours, Alger accueille une conférence internationale sur la lutte contre le terrorisme au Sahel. Objectif : renforcer la coopération entre ses participants face à une menace grandissante. Pourtant, derrière la volonté commune, chacun privilégie ses intérêts.
Aux grands maux, les grands moyens. Pour cette conférence ministérielle sur la sécurité au Sahel, Alger n’a pas lésiné. Premier du genre, ce sommet réunira aujourd’hui et demain près de 38 délégations officielles. En plus des quatre pays directement concernés, à savoir l’Algérie, la Mauritanie, le Mali et le Niger, des représentants des membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU seront aussi présents au Palais des Nations d’Alger. Des experts de la lutte antiterroriste et de la lutte contre le crime transnational organisé seront également là pour compléter cette puissante armada antiterroriste.
Il faut dire que la situation est devenue explosive. Le conflit libyen a entrainé un éparpillement d’armes plus ou moins lourdes à travers les sables du Sahara. Beaucoup craignent qu’une partie d’entre elles aient été récupérées par les combattants d’AQMI (Al-Qaida au Maghreb Islamique). « AQMI a eu la possibilité d’avoir accès à des armes, estime ainsi Gilles de Kerchove, coordinateur de la lutte antiterroriste de l’Union européenne. Soit des petites armes, soit des mitrailleuses, soit certains missiles sol-air qui sont très dangereux puisqu’ils rendent plus risqué le survol du territoire».
Divergences stratégiques
En quelques années, l’organisation terroriste a progressivement tissé sa toile dans la région sahélienne. Elle dispose dorénavant de bases arrières dans le nord du Mali et ses katibas (brigades) sévissent dans toute la zone transfrontalière. Financée par des trafics en tout genre (armes, cigarettes, drogues…) et les rançons de ses nombreuses prises d’otages, AQMI constitue la principale menace pour la sécurité régionale.
Face à ce danger persistant, les participants à la conférence d’Alger brandissent tous le même étendard : celui de la coopération régionale et internationale. Malgré les nombreux efforts entrepris en ce sens, certaines divergences stratégiques persistent. L’Algérie, comme la Mauritanie, est partisane de la manière forte et refuse catégoriquement tout paiement de rançon en cas de prises d’otages.
La France et le Mali n’ont pas toujours suivi cette ligne, n’hésitant pas à satisfaire certaines revendications des ravisseurs. Ce fut le cas pour Pierre Camatte, ressortissant français libéré en février 2010 en échange de quatre terroristes détenus au Mali. Furieux, Algériens et Mauritaniens rappelèrent leurs ambassadeurs à Bamako, déclenchant une mini-crise diplomatique dans la région.
Un an plus tard, en février 2011, une Française, un Togolais et un Malgache enlevés par AQMI au Niger sont libérés. Selon une source qui a participé aux négociations, une rançon aurait été payée aux terroristes. Une fois de plus, Alger et Nouakchott grincent des dents.
Placer ses billes
La manière de gérer les prises d’otages n’est pas la seule source de tensions entre les partenaires de la lutte antiterroriste. En juillet 2010, l’armée mauritanienne, soutenue par les forces françaises, lance une opération contre une base malienne d’AQMI. L’opération se déroule en plein territoire malien sans que Bamako ne soit réellement prévenue. C’est peu dire que les Maliens ont été froissés, le président Toumani Touré quittant d’ailleurs le sommet de la Cen-Sad au Tchad pour rentrer dans sa capitale.
Derrière ses ambitions de coopération antiterroriste accrue, la conférence d’Alger sera également l’occasion pour chacun de placer ses billes. Depuis l’indépendance, la France continue à considérer la région comme son pré carré et surveille de près ses évolutions. Les État-Unis, sous-couvert de lutte contre Al-Qaida, sont aussi là pour trouver un pied-à-terre à leur commandement militaire Africom. Quant aux Algériens, ils ne manqueront pas l’occasion de s’ériger un peu plus en fer de lance de la lutte antiterroriste, une semaine après leur position très critiquée sur le dossier libyen.
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