Togo : vérité et justice pour les violences politiques
La Commission vérité justice et réconciliation (CVJR), chargée de faire la lumière sur les violences politiques au Togo entre 1958 et 2005 va débuter ses auditions aujourd’hui à Lomé.
Le Togo s’apprête à regarder son histoire en face puisque ce ne sont pas moins de 47 années de violences politiques qui vont être examinées par la Commission vérité et réconciliation (CVJR). Depuis le 7 septembre, les auditions de tous les protagonistes concernés a débuté.. « Après les dépositions et les investigations, les audiences vont démarrer mardi à Lomé. Elles seront publiques, privées et à huis clos » a ainsi déclaré Nicodème Barrigah, président de la commission, lors d’une cérémonie officielle de lancement de ces audiences.
« Nous allons donner la parole aux victimes, témoins et auteurs présumés qui seront tous présents à ces audiences par consentement. Le moment est donc venu de nous regarder en face en tant que Togolais pour assumer notre passé douloureux et tourner la page, afin de cheminer ensemble vers un avenir commun et apaisé », a souligné le prélat.
20 000 dépositions
Les audiences qui auront lieu dans toutes les grandes villes du pays doivent durer deux mois pour faire le point sur plus de 20 000 dépositions enregistrées par la CVJR.
Composée de 11 religieux, de chefs traditionnels et de professeurs d’université, la commission a été mise en place en 2008, conformément à un accord signé en août 2006 par les acteurs politiques togolais. Elle a pour mission de faire la lumière sur les actes de violences à caractères politique commis entre 1958 et 2005, et d’étudier les modalités d’apaisement des victimes.
Violences électorales de 2005
La commission sera surtout amenée à travailler sur les violences et les irrégularités qui ont marqué l’élection présidentielle d’avril 2005. Le gouvernement n’a jamais donné de bilan officiel, mais les estimations varient de 105 morts, selon une association proche du pouvoir, à 811 morts selon l’opposition. L’ONU a estimé qu’il y avait eu « entre 400 et 500 morts ».
Le général Gnassingbé Eyadema a dirigé pendant 38 ans le pays d’une main de fer, jusqu’à son décès le 5 février 2005. Pour permettre à sa famille de conserver son emprise sur la direction du pays, Kpatcha Gnassingbé, demi-frère de l’actuel président Faure Gnassingbé, qui occupait alors le poste de ministre de la Défense, avait vraisemblablement orchestré les fraudes électorales de 2005 : le monde entier avait pu voir sur les écrans de télévision ces images de militaires togolais s’enfuyant avec les urnes.
Aujourd’hui Kpatcha Gnassingbé est derrière les barreaux, non pas pour ces atteintes flagrantes, mais pour un présumé coup d’État, déjoué en 2009. Il est accusé d’être le cerveau de ce putsch raté, qui impliquerait une trentaine de personne, dont un autre demi-frère de l’actuel président, Essolizam Gnassingbé, ainsi que trois cousins du chef d’état.
Kpatcha Gnassingbé, 41 ans, qui était député de Kara (nord) lors de son arrestation, avait arboré son écharpe de député à l’ouverture de son procès le 1er septembre. Son immunité parlementaire n’avait pas été levée.
Règlement de compte familiaux ?
Mardi, les avocats de la défense ont quitté la salle pour protester contre les irrégularités de la procédure judiciaire. « Nous nous sommes retirés pour deux raisons fondamentales. La première raison : on ne peut pas juger un député sans lever son immunité et la deuxième : nous avons demandé un renvoi du procès qui ne nous a pas été accordé », a expliqué Maître Zeus Ajavon à l’AFP.
Soulignant des rivalités personnelles entre Faure et Kpatcha, des analystes ont estimé que l’affaire s’apparentait avant tout à des règlements de compte familiaux.
Beaucoup en sont même venus à se demander s’il y avait réellement eu une tentative de coup d’État. Ces mêmes analystes, face à une justice jugée peu indépendante, ont jusqu’à présent douté que le procès ferait réellement la lumière sur cet épisode.
(Avec AFP)
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