Tunisie : Facebook, de la révolution à la désillusion ?

Armes redoutables de la révolution tunisienne, les réseaux sociaux et Facebook en particulier se sont démocratisés et transformés progressivement en outil de diffamation, selon de nombreux cyberactivistes de la première heure. La fiabilité de l’information est désormais un enjeu démocratique majeur pour des Tunisiens toujours méfiants envers les médias traditionnels.

Tunisie: les pionniers du web s’alarment des « dérives » sur la toile. © AFP

Tunisie: les pionniers du web s’alarment des « dérives » sur la toile. © AFP

Publié le 31 août 2011 Lecture : 2 minutes.

Facebook serait-il en passe de devenir une « poubelle » comme le déplore sur son blog Maya Takaya ? Prisés par les cyberactivistes tunisiens au cours de la révolution, les réseaux sociaux déçoivent de plus en plus de Tunisiens, près de huit mois après le départ de Zine el-Abidine Ben Ali, le 14 janvier.

Pour Sofienne Bel Haj, cyberactiviste tunisien depuis 2008, les réseaux sociaux sont victimes de leur propre succès. « Avant le 14 janvier, nous étions un petit noyau d’une centaine de personnes, on faisait attention à ce qu’on disait, on vérifiait nos info. Aujourd’hui, ça part dans tous les sens, c’est la cohue générale, tout le monde est devenu activiste sur internet. C’est l’armée des révolutionnaire de la 25e heure », regrette Sofiene Bel Haj.

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Boîte à ragots

Après avoir relayé l’information de l’immolation par le feu de Mohamed Bouazizi, le 17 décembre 2010, et avoir participé à l’embrasement général du pays, Facebook serait-il devenu une simple boîte à ragots ? « Certains passent leurs nuits sur Photoshop pour trafiquer des photos ou mettre en ligne de fausses vidéos », assure Sofiène Bel Haj, citant une photo du président du Parti démocrate progressiste (PDP), Ahmed Néjib Chebbi, affublé d’une écharpe mauve, couleur préférée de Ben Ali.

Le pays, qui a connu une vague massive d’inscription à Facebook suite à la révolution, compte à ce jour 2,6 millions d’adhérents selon le site de pointage SocialBakers. Faut-il alors voir dans les critiques contre Facebook la conséquence d’une simple querelle entre nouveaux et anciens utilisateurs ? Les rumeurs diffamatoires vont en tout cas bon train sur le net, et sur les réseaux sociaux en particulier.

Victime d’une campagne de calomnie la présentant comme un « agent d’un complot franc maçon », Fatma Arabicca, professeur d’art dramatique et bloggeuse depuis 2005, dénonce de sérieuses campagnes de « dénigrement et de haine ». « Nous vivons une période de transition délicate, et on voit circuler des infos totalement fausses, des rumeurs, des théories du complot, voire des appels au meurtre, en toute impunité », déplore-t-elle. Dorénavant, les blogueurs sont contraints de passer des heures à démêler le vrai du faux sur la Toile.

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Soumission à Ben Ali

Mais bien qu’ils soient confrontés aux limites de l’information via les « médias sociaux », les Tunisiens restent majoritairement méfiants à l’égard des médias traditionnels, qui payent le prix de leur soumission au président Ben Ali pendant ses 23 années d’exercice du pouvoir. « Dans ce contexte, Facebook apparaît comme souvent LA source d’information », estime Henda Hendoud, journaliste et blogueuse. « Or on a vu apparaître des administrateurs de pages Facebook très jeunes, entre 17 et 19 ans, souvent radicalisés, qui confondent opinion et information et se voient en leader d’opinion », constate Henda Hendoud, journaliste et bloggeuse.

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À la veille d’une élection cruciale pour le pays, la crise de confiance en l’information pose un grand problème démocratique. Les Tunisiens seront appelés aux urnes le 23 octobre pour choisir les députés en charge de la rédaction de la nouvelle Constitution. Mais difficile de faire un choix solide sans information fiable.

(Avec AFP)

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