Libye : jeûner ou ne pas jeûner, telle est la question

Officiers et soldats interrogés dans l’ouest libyen étaient partagés sur la question. Faut-il ou ne faut-il pas jeûner lors des combats ?

Fumées au-dessus d’une banlieue de Tripoli, le 1er août 2011 après de fortes explosions. © Mahmud Turkia/AFP

Fumées au-dessus d’une banlieue de Tripoli, le 1er août 2011 après de fortes explosions. © Mahmud Turkia/AFP

Publié le 1 août 2011 Lecture : 3 minutes.

2011, un ramadan sous le signe de la révolution
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2011, un ramadan sous le signe de la révolution

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Dimanche après-midi, le son du canon roulait encore dans les vallées de la montagne, où les combats à l’arme lourde se poursuivaient. La veille, les insurgés avaient réussi à s’emparer pendant quelques heures du village de Joch, à environ 200 km au sud-ouest de Tripoli. Mais ils ont reflué avant la tombée du jour. Lundi matin, au premier jour du mois sacré musulman, une quinzaine d’hommes et quatre pick-up sont seuls chargés de garder la dernière position rebelle sur la route, à une dizaine de kilomètres de Joch.

"Notre cause est sacrée. C’est un Jihad"

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« Le Coran permet explicitement aux malades, aux voyageurs, et aux combattants de ne pas respecter le jeûne s’ils le doivent » explique le colonel Juma Brahim,  porte-parole des rebelles dans toute la région du djebel Nefoussa, avant d’ajouter « notre cause est sacrée, c’est un djihad. Pas question de donner à Kadhafi, qui est en mauvaise posture, cet avantage. Ce n’est pas le moment. »

Conflit d’interprétations

Contacté par Jeuneafrique.com, l’anthropologue Malek Chebel explique qu’il existe deux interprétations théologiques : la première estime que « les combattants qui font la guerre doivent jeûner s’ils ne sont pas sur le front mais peuvent s’abstenir de jeûner s’ils y sont. La seconde accepte la suspension du jeûne dès le moment où l’on combat. »

Sur le terrain, les deux traditions d’interprétations se retrouvent. Dans le village de Kabao, plus à l’est vers la frontière tunisienne, le colonel Tarek Zambou explique : « les fatwas (édits religieux) sont claires : nos hommes sont dispensés de jeûne car ils combattent. Cela dit, si ceux qui sont en deuxième ligne, à l’arrière ou à l’entrainement veulent jeûner, ils le pourront. » Mais le lendemain, Omar Hariri, membre du conseil militaire de la rébellion, semble encourager le jeûne. Il « ne va pas les affaiblir. Les plus grandes victoires pour les musulmans ont été réalisées pendant le ramadan et je suis sûr, si Dieu le veut, que nous allons réaliser de grandes choses pendant le mois sacré. »

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Le sujet est loin de faire consensus ett chacun a recours aux mêmes arguments pour justifier sa position. « Il sera toujours temps de jeûner l’an prochain, quand nous serons libres », sourit Akram Ramadan, 43 ans, qui a tout quitté il y a quatre mois à Manchester, en Grande-Bretagne, pour venir se battre en Libye. « Le Prophète a lui-même livré deux batailles pendant le mois sacré. En fait, c’est un bon mois pour combattre, et peut-être mourir. On est plus proche de Dieu. »

De son côté Akram Magora, 21 ans, rappelle que si le prophète a effectivement combattu pendant le mois de ramadan, il l’a fait en jeûnant. « Nous allons faire de même. Je vais tenter de ne rien avaler avant le coucher du soleil… mais si je deviens trop faible, je boirai peut-être un peu. »

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"Ce que nous voulons, c’est la dignité"

Dans les villages du Djebel, qui échappent depuis des mois à l’autorité de Tripoli, les hommes profitent du soleil couchant et d’un vent enfin frais pour acheter des provisions. Les iftars, ces repas de rupture du jeûne qui se tiennent à la tombée de la nuit et qui sont traditionnellement plantureux, seront maigres cette année : les lignes d’approvisionnement avec le reste du pays sont coupées, les denrées arrivent difficilement et en petites quantités de Tunisie.

Les étals des commerçants sont vides ou presque, les produits frais quasi-introuvables et les rares marchés, au bord des routes, n’offrent que de pauvres légumes, à des prix que beaucoup, faute de d’argent liquide, ne pourront régler.

Mais qu’importe. Khalifa Mohamed Ali, instituteur, repart du marché avec, dans un sac plastique, neuf prunes rouges. « Oui, beaucoup de choses manquent… Mais ce qui est important en ces temps de guerre, c’est que nous vainquions. Si Dieu le veut, la crise va passer. Ce que nous voulons, c’est la dignité ».

Avec AFP
 

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