Amnesty International : les FRCI poursuivent leurs crimes en Côte d’Ivoire
Amnesty International publie un nouveau rapport sur l’insécurité et les personnes déplacées en Côte d’Ivoire. Après deux semaines d’enquête au mois de juin, l’ONG conclut que depuis la mi-mai, les exactions commises contre les civils sont le fait d’éléments pro-Ouattara.
Deux semaines d’enquête pour l’ONG Amnesty International, qui sort aujourd’hui son quatrième rapport sur la situation en Côte d’Ivoire : « Nous voulons rentrer chez nous mais nous ne pouvons pas. » Un titre explicite qui entend démontrer que les exactions contre les populations civiles sont, encore aujourd’hui, répandues dans le pays, et la peur, omniprésente.
"Nous assistons à une revanche"
Questions à Gaëtan Mootoo, chercheur sur Afrique de l’Ouest pour Amnesty International
Le rapport précise qu’aucun crime commis par des milices pro-Gbagbo n’a été recensé par Amnesty International depuis la mi-mai. Peut-on dire que les exactions commises au nom de « l’ivoirité » ont disparu ?
Au cours de la dernière décennie, il y a eu des exactions commises au nom de « l’ivoirité », de la part des milices pro-Gbagbo. Nous assistons aujourd’hui à une revanche. « L’ivoirité » est toujours présente, mais la peur a changé de camp. « Les FRCI ont déclaré que désormais, la terre serait habitée par les Burkinabè », nous a raconté un réfugié qui rentrait dans son village de Daoundrou.
Quel tribunal est compétent pour juger les crimes commis en Côte d’Ivoire ?
La justice ivoirienne fonctionnait naguère ; il y a quelques imperfections mais les juges, les magistrats et les procureurs existent. On peut donc commencer par là. Si la Côte d’Ivoire est incapable de juger les crimes contre l’humanité, nous pensons aussi que la Cour pénale internationale (CPI) est tout à fait compétente. Nous espérons que la Côte d’Ivoire va ratifier le traité de Rome, et permettre ainsi aux criminels de comparaître devant la justice internationale.
Amnesty International a interrogé des témoins et victimes d’exactions à Abidjan ainsi que dans trois régions du sud et de l’ouest du pays, et avance aujourd’hui que, durant le mois de juin, des « crimes contre l’humanité » se seraient poursuivis, dont des exécutions et des actes de torture. Les responsables ? Si, pendant les mois précédents, l’ONG accusait tant les milices pro-Gbagbo que les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI, pro-Ouattara), depuis la mi-mai, « ce sont les FRCI et les Dozos [chasseurs traditionnels du Nord, pro-Ouattara, NDLR] qui se sont rendu responsables de la majorité des crimes », indique le rapport.
Attaché et brûlé
« Les FRCI m’ont attaché à un arbre avant d’enrouler un matelas autour de moi et d’y mettre le feu », raconte un homme de 38 ans, qui dit avoir été torturé à Duékoué le 20 mai. Les flammes ayant attaqué la corde qui retenait le matelas, il a échappé à la mort, mais montre aux caméras d’Amnesty International l’ampleur des brûlures de son bras.
L’ONG n’avance pas de chiffres quant aux exactions commises par les FRCI au mois de juin, qu’elle juge « généralisées », et qui empêcheraient « plus d’un demi-million de personnes de regagner leur foyer ».
Juger les crimes commis depuis 2002
Premier objectif du gouvernement Ouattara selon l’ONG : juger immédiatement les responsables des exactions des deux parties. Les FRCI n’ont, pour le moment, pas été inquiétées. « L’important est d’envoyer des signaux, il faut que quelques personnes au moins soient jugées et relevées de leurs fonctions », martèle Salvatore Saguès, chercheur sur l’Afrique de l’Ouest pour Amnesty International, qui encourage également la Cour pénale internationale (CPI) à « ne pas se cantonner aux crimes commis depuis le 28 novembre 2010 ».
En visite aux États-Unis, Alassane Ouattara a pour sa part déclaré mercredi, qu’il jugerait « de façon égale » tous les auteurs de crimes.
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