L’Espagne s’éveille à l’Afrique

Frappées par une violente crise économique, les entreprises ibériques s’attaquent au continent en ordre dispersé. Au Maroc, bien entendu, mais aussi en Algérie et au sud du Sahara.

Mohammed VI accueille Juan Carlos, le 15 juillet, à l’aéroport de Rabat. © JJ Guillen/EFE/SIPA

Mohammed VI accueille Juan Carlos, le 15 juillet, à l’aéroport de Rabat. © JJ Guillen/EFE/SIPA

Publié le 31 juillet 2013 Lecture : 3 minutes.

«Il n’y a pas de croissance en Espagne, il faut donc aller la chercher ailleurs ! » s’exclame Albert Alsina. Le patron du fonds Mediterrània Capital, filiale de Riva y García, le seul groupe espagnol de capital-investissement actif en Afrique, est lucide : en 2013, l’Espagne devrait connaître une récession de 1,6 %, selon le Fonds monétaire international (FMI), avant de voir son PIB stagner en 2014. Résultat : les hommes d’affaires du pays cherchent désormais des débouchés de l’autre côté de la Méditerranée. Dans ce contexte, la rencontre entre les rois du Maroc et d’Espagne, il y a deux semaines à Rabat, n’était pas que politique : c’était aussi une importante opération économique.

Après avoir été éclipsé par la France, le voisin espagnol est redevenu le premier partenaire commercial du royaume chérifien. Les échanges entre les deux pays, largement favorables à l’Espagne, ont bondi de 6,4 milliards à 7,3 milliards d’euros entre 2011 et 2012 (de 71,2 milliards à 81,4 milliards de dirhams), une progression alimentée essentiellement par la hausse des importations marocaines. Entre 800 et 1 000 entreprises espagnoles, tous secteurs confondus, sont implantées au Maroc, pays qui attire à lui seul 52 % des investissements hispaniques sur le continent.

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Du BTP aux infrastructures en passant par l’immobilier, leur grande spécialité, c’est la pierre.

Tramway

L’Algérie est une autre destination importante, notamment pour les groupes spécialisés dans le BTP et les infrastructures. « Pendant trente ans, ils ont construit l’Espagne. Mais depuis le début de la crise [en 2008], ils cherchent des relais de croissance », explique un cadre français d’une entreprise espagnole. Fin 2012, Alger et Madrid ont signé un accord-cadre pour la création de coentreprises censées réaliser 50 000 logements. Et en mai dernier, un consortium composé de Rover Alcisa, Assignia et Elecnor a remporté un contrat de 230 millions d’euros pour construire le tramway de Ouargla.

Du BTP aux infrastructures en passant par l’immobilier, la grande spécialité espagnole en Afrique, c’est la pierre. Le madrilène Eurofinsa, spécialiste des infrastructures clés en main, réalise ainsi 35 % de son chiffre d’affaires sur le continent (sur un total de 475 millions d’euros) via une présence dans une petite dizaine de pays au sud du Sahara. Il est aujourd’hui en lice pour le grand projet de barrage Inga III, en RD Congo, et est très actif au Gabon, il a notamment construit le stade Omar-Bongo. Arrivé au début des années 1980 en Angola, Eurofinsa était la « première entreprise espagnole à s’y implanter », explique Rafael Torres, son PDG.

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Autre grand acteur hispanique en Afrique, le barcelonais Grupo Pefaco est quant à lui actif dans l’hôtellerie, les jeux et les loisirs. « En termes de business, c’est le meilleur des continents », s’enthousiasme Francis Perez, son président. Preuve de cet optimisme, le groupe, qui réalise un chiffre d’affaires de 400 millions d’euros et emploie 5 000 personnes dans neuf pays d’Afrique, s’est fixé pour objectif de doubler de taille en deux ans. Grupo Pefaco est présent en Amérique latine, mais Francis Perez déclare préférer « mille fois l’Afrique », prévenant tout de même qu’il faut « apprendre à être patient ».

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Retard

Reste que, comme le note le think tank Real Instituto Elcano, les entreprises espagnoles ont des années de retard par rapport à leurs consoeurs françaises, britanniques, allemandes, américaines et, plus récemment, chinoises. Seuls 0,2 % de leurs investissements directs à l’étranger vont vers l’Afrique subsaharienne. Les exportations espagnoles vers le continent (11,6 milliards d’euros en 2011), bien qu’en augmentation, demeurent bien en deçà des importations (23,3 milliards). Sans surprise, ces dernières sont largement dominées par le pétrole et ses dérivés (16,3 milliards). Et un seul pays au sud du Sahara fait partie des 50 premières destinations des exportations hispaniques : l’Afrique du Sud.

Autre problème : les entreprises ibériques souhaitant se développer en Afrique restent souvent isolées. Les différentes représentations patronales et industrielles espagnoles proposent bien leurs services, mais ne font pas l’unanimité. « Il y a de plus en plus de missions, mais sans le budget nécessaire. On trouve beaucoup d’institutions, des régions jusqu’aux associations professionnelles, mais il n’y a pas vraiment de coordination entre elles. Et une fois sur place, c’est chacun pour soi ! » note un homme d’affaires espagnol. Autre insuffisance : l’aide du gouvernement, qui prenait la forme de financements à très bon marché, s’est tarie depuis deux ans à cause des difficultés budgétaires que traverse le pays.

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