Amr Moussa : « Il faut reconstruire l’Égypte »
Candidat à la présidentielle égyptienne et ancien secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa était en France du 8 au 10 Juin pour présenter sa candidature à la communauté égyptienne. Faisant face aux nombreuses accusations de complicité avec l’ancien régime de Moubarak, il répondu posément à ses détracteurs. En vrai diplomate…
Dans les salons feutrés de l’élégant hôtel du Louvre, Amr Moussa, candidat à la présidentielle égyptienne, s’accorde près d’une heure pour discuter de son programme électoral avec une vingtaine de jeunes Égyptiens. Une initiative plus que louable. Pour la première fois dans l’histoire de l’Égypte, un candidat vient à la rencontre de ses électeurs potentiels.
Moussa rappelle les défis qui attendent la société égyptienne. « Il faut reconstruire l’Égypte ! » s’exclame-t-il en précisant que la nouvelle Constitution devra refléter la diversité du peuple égyptien. C’est pourquoi, explique-t-il, les représentants des différents groupes sociaux doivent la rédiger, et non des experts juridiques. Mais il milite pour une limitation des pouvoirs du président, qui devra être responsable de ses actes devant la justice et le Parlement.
De manière plus banale, Amr Moussa veut que l’État soit chargé de mettre en place une véritable stratégie de développement, qui permette une redistribution équitable des richesses produites. Les dossiers prioritaires : la santé et l’éducation, qu’il veut profondément réformer. Autre défi : mettre fin aux discriminations ethniques et religieuses qui provoquent des violences. Mais quand on demande à Amr Moussa comment il veut concrétiser ses ambitions, sa réponse paraît un peu courte : « en faisant appliquer le droit, et surtout la Constitution », résume-t-il.
Justice sociale
Économiquement, Moussa est favorable à l’économie libérale, mais à condition qu’elle soit tempérée par un impératif de justice sociale. « Pouvons-nous croire, qu’en Égypte, en 2011, il y a plus de 40 % de la population qui vit sous le seuil de pauvreté ? » note-t-il. Dans un pays où le taux de chômage avoisine les 20 %, le levier principal du développement économique passe selon lui par les entreprises et les industries de tailles moyenne et petite.
La discussion avec les jeunes a lieu sur un ton léger. Au bout de quarante-cinq minutes, on lui fait discrètement signe qu’il faut partir, déjà. Amr Moussa doit aller à la rencontre de l’ensemble de la communauté égyptienne de Paris. La réunion a lieu à l’Institut du monde arabe. L’occasion de poursuivre le débat dans un cadre différent. Mais on est loin de l’ambiance bon enfant de l’hôtel du Louvre.
« J’ai des membres de ma famille en Égypte qui sont mort, et vous, qui appartenez à l’ancien régime, vous osez vous présenter devant moi pour me parler de votre candidature à la présidentielle ? » s’étonne une jeune mère de famille venue à la réunion avec sa petite fille.
Soif de réponses
Après avoir présenté brièvement son programme, le candidat se déclare disposé à répondre aux questions de son public. Un public qui visiblement, a soif de réponses. La tension est palpable. Des hommes du service de sécurité seront même appelés en plein débat pour calmer les esprits.
Car à 74 ans, Amr Moussa peut se targuer d’avoir une carrière politique bien remplie. Et son passé dérange certains Égyptiens. « Vous êtes apparu dans une émission télévisée où vous avez soutenu publiquement la candidature de Moubarak à la prochaine présidentielle, vous avez vanté les qualités de son fils Gamal et quand les manifestations place Al-Tahrir ont éclaté, vous êtes descendu dans la rue pour demander aux manifestants de rentrer chez eux », rappelle Ahmed, membre de l’association des jeunes du 25 Janvier à Paris.
Voir l’interview vidéo de Amr Moussa : "Pour Moubarak, la justice doit suivre son cours" :
Talent d’orateur
Mais Amr Moussa est un diplomate chevronné. Sans se départir de son calme une seconde, il répond à toutes les accusations. Et elles sont nombreuses. Il précise certains éléments, nuance les discours, y compris les siens, et minimise sa proximité avec l’ancien régime. « La Constitution était faite pour que seuls deux candidats puissent se présenter, Moubarak et son fils Gamal. J’ai dit que si je devais choisir entre ces deux, je choisirai Moubarak », se justifie Moussa. « Le salaire du ministre des Affaires étrangères fait partie du budget de l’État, pas de celui du palais de la présidence », explique-t-il pour défendre son intégrité lorsqu’il occupait ce poste.
Seul sur scène, c’est maintenant l’ancien diplomate qui parle et qui montre ses talents d’orateur. « Je compatis avec vous, je comprends tout à fait. La colère de cet homme est le fruit d’une douleur et d’une frustration légitime », explique-t-il au public. « Cet homme » est un peintre en bâtiment qui dit avoir été torturé par les services de sécurité égyptiens. Il a reproché à Moussa sa participation à la vie politique sous Moubarak. L’ancien secrétaire général de la Ligue arabe se saisit de l’occasion pour prouver sa conviction de démocrate. « Laissez-les parler, je suis content de vous voir vous opposer à moi. Il faut écouter les avis contradictoires, c’est la seule manière d’apprendre. »
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