Syrie : Amina Arraf, la blogueuse fantôme
Depuis quelques jours, les médias du monde entier sont à la recherche d’une blogueuse américano-syrienne qui aurait été enlevée à Damas. Mais jusqu’ici, aucun d’entre eux n’a pu trouver la moindre information sur son identité réelle. Au point de douter de son existence…
Retrouver celle qui n’avait semble-t-il qu’une obsession : rester cachée ! C’est le défi à relever pour les médias, mais également une bonne partie des activistes syriens. Mercredi, la communauté des blogueurs a appris l’enlèvement d’Amina Arraf, blogueuse dont le site « A gay girl in Damascus » (« Une fille gay à Damas ») exposait depuis quelques semaines, avec le pseudonyme d’Amina Abdullah, sa vision de l’insurrection syrienne.
Rania O. Ismail, une jeune fille se présentant comme sa cousine, raconte l’évènement le jour même sur le blog d’Amina. « Aujourd’hui, à environ 6 heures du soir heure de Damas, Amina (…) était allée rencontrer une personne qui faisait partie du Comité local de coordination (…) C’est à ce moment qu’un groupe d’hommes, âgés d’une vingtaine d’années, l’a enlevée (…). Selon le témoin (qui veut rester anonyme) ces hommes étaient armés (…) L’un des hommes a alors bâillonné Amina avec sa main et elle a été violemment poussée dans une Dacia Logan rouge arborant un autocollant de Basel Assed [frère aîné du président syrien Bachar al-Assad mort en 1994, NDLR] (…) Les hommes sont présumés faire partie d’un des groupes des services secrets ou de la milice du parti Baas. On ne sait pas où est Amina, si elle est en prison ou détenue ailleurs à Damas. »
Avatar numérique ?
Aussitôt, un groupe Facebook de soutien est monté et les médias occidentaux se mettent à chercher des informations sur l’enlèvement. Et sur la blogueuse. Mais l’affaire se complique. Amina semble insaisissable. Comme beaucoup d’activistes, elle utilise un système Proxy sur internet qui lui permet de rester difficilement « traçable ».
Ayant toujours utilisé des pseudonymes depuis 2007, et ne communiquant que par mails, Amina n’a pas de contact direct avec ses lecteurs. Ainsi, une dénommée Sandra Bagaria, de Montréal, qui se présente comme une de ses amies, avoue n’avoir correspondu avec elle que par courrier électronique. Interrogée par le Washington Post sur la possibilité qu’Amina ne soit en fait qu’une invention de la Toile – une sorte d’avatar numérique comme dans un jeu électronique -, Bagaria se prend même à douter. « Je ne sais pas. Je ne peux pas vous dire. J’aimerais vraiment que les choses soient plus claires… »
Pour les activistes syriens, il n’y a cependant pas de doutes : Amina existe mais a trop bien réussi à protéger son identité. Seulement, le silence des parents et celui de la cousine, qui semble ne plus répondre aux mails envoyés, ainsi que l’impossibilité de retrouver une trace de sa naissance aux États-Unis sont étranges. Amina Arraf est-elle une blogueuse activiste ou une création numérique élaborée à des fins de manipulations. Dans ce dernier cas, par qui et dans quel but ? Quoi qu’il en soit, selon le Guardian, Amina est d’ores et déjà devenue « une héroïne bien involontaire de la révolte dans un pays conservateur ».
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