Égypte : l’armée engluée dans le scandale des « tests de virginité »

L’armée égyptienne s’est engagée à bannir les « tests de virginité sur des femmes arrêtées », a déclaré mardi au Caire l’organisation Human Rights Watch.

Une manifestante égyptienne dans le centre du Caire, le 28 janvier. © Marco Longari/AFP

Une manifestante égyptienne dans le centre du Caire, le 28 janvier. © Marco Longari/AFP

Publié le 8 juin 2011 Lecture : 3 minutes.

Le Conseil suprême des forces armées (CSFA), qui dirige l’Égypte depuis la chute en février du président Moubarak a affirmé « qu’il avait ordonné de mettre fin à ces tests de virginité », a déclaré Kenneth Roth, directeur exécutif de Human Rights Watch (HRW) lors d’une conférence de presse au Caire.

Roth s’exprimait après la rencontre entre une délégation de HRW, le Premier ministre Essam Charaf, le ministre de la Justice Abdelaziz el-Guindi, ainsi qu’un général membre du CSFA, dont il n’a pas donné l’identité.

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Les militaires, « tout en continuant de nier avoir fait quoi que ce soit de mal, ont aussi dit qu’ils ne le feraient plus […] Nous allons surveiller cet engagement de près », a-t-il souligné en qualifiant ces tests de « pratiques dégradantes ».

Des filles "pas comme la vôtre ou la mienne"

Le 9 mars, à l’issue de manifestations organisées place Al-Tahrir, 17 filles avaient été arrêtées et conduites à un centre de détention militaire, où elles auraient subi des tests de virginité, rapportait Amnesty International.

Les 17 filles, une fois en prison, « ont été divisées en deux groupes, on leur a demandé qui était "madame" et qui était "mademoiselle" », a précisé Heba Morayef, représentante de HRW en Égypte.

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« Les tests de virginité ont ensuite été menés sur le groupe s’étant présenté comme étant des jeunes filles, par un officier habillé comme un médecin et se présentant comme médecin », a-t-elle poursuivi, en se basant sur des témoignages.

Elles ont été relâchées trois jours plus tard, après avoir été condamnées à un an de prison avec sursis.

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Un haut gradé égyptien, s’exprimant anonymement sur la chaîne américaine CNN, avait relancé la polémique. Il avait justifié les tests en disant qu’ils avaient été pratiqués pour éviter que les manifestantes « aillent dire qu’on les a abusées sexuellement ou violées ».

« Ces filles qui ont été arrêtées ne sont pas comme la vôtre ou la mienne », avait expliqué le général interrogé sur la CNN. « Ces filles-là ont dormi dans des tentes avec des manifestants hommes sur la place Al-Tahrir, et nous avons retrouvé des cocktails Molotov.»

Zones d’ombres

Ces tests de virginité ont fait ces dernières semaines l’objet de protestation de la part d’organisation de défenses des droits de l’homme, se basant sur les témoignages de plusieurs femmes arrêtées place Al-Tahrir au Caire, le 9 Mars. Le Conseil suprême est directement visé pour son manque de transparence.

« Un membre de l’armée sous couvert de l’anonymat va révéler de nouvelles informations, qui seront ensuite démenties ou infirmées par d’autres sources militaires anonymes : il faut arrêter les déclarations divergentes et les communiqués contradictoires », explique Mona Seif, membre de l’association Non aux jugements des civils par les tribunaux militaires.

« Tout ce qu’on apprend d’abus d’autorité ou d’atteintes aux droits de l’homme ne vient jamais de l’armée mais de sources secondaires. Ils doivent admettre ce qui s’est passé, ouvrir une enquête et dénoncer les coupables. Il y a des choses qu’on ne peut pas justifier », explique Mona Seif.

À cela s’ajoute le manque de professionnalisme des médias. « Depuis le 12 Mars nous avons essayé de faire entendre nos voix. Mais les médias ont refusé de traiter l’information. Ils trouvent toujours des justifications ou des explications à ce qui arrive », assène Mona Seif.

Heba Morayef, a quant à elle affirmé que le CSFA « ne confirmait ni n’infirmait » les cas rapportés en mars, se retranchant derrière le fait qu’une enquête était en cours. Le général rencontré, a-t-elle ajouté, a assuré que « ce test était considéré comme normal dans les prisons », mais a aussi précisé « qu’une décision avait été prise de ne pas mener de tests de virginité sur les filles dans toute prison » sous contrôle de l’armée. La responsable de HRW en Égypte assure : « Nous n’avons recensé aucun autre cas de test de virginité pour les femmes dans les prisons égyptiennes. »

Aucune plainte formelle n’a été déposée contre l’armée en raison de ces tests, a expliqué Heba Morayef, en soulignant la « sensibilité » du sujet et la « peur » d’engager une procédure contre l’institution militaire. (avec AFP)

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