Libye : des bombes pour l’anniversaire de Kadhafi

Le « Guide », qui a fêté ses 69 ans hier en réaffirmant qu’il ne quitterait pas le pouvoir, a reçu une pluie de bombes de la part de l’Otan en guise de cadeau d’anniversaire. Pendant ce temps, le rapprochement des Russes et des Chinois avec les rebelles du CNT se poursuivait. Comme les défections à Tripoli…

Mouammar Kaddafi a reçu une soixantaine de bombes de l’Otan pour ses 69 ans, le 7 juin 2011. © AFP

Mouammar Kaddafi a reçu une soixantaine de bombes de l’Otan pour ses 69 ans, le 7 juin 2011. © AFP

ProfilAuteur_PierreFrancoisNaude

Publié le 8 juin 2011 Lecture : 4 minutes.

À ceux qui en doutaient – dans son entourage ou dans la coalition -, Mouammar Kadhafi a réaffirmé son acharnement à rester au pouvoir. « Malgré les bombardements, nous ne nous soumettrons jamais », a-t-il déclaré mardi dans un message audio diffusé par la télévision libyenne. La réponse de l’Otan – qui était aussi une manière de fêter les 69 ans du « Guide » (né le 7 juin 1942) – ne s’est pas fait attendre : Tripoli a connu ses plus violents bombardements depuis le début de la campagne de frappes aériennes, le 19 mars dernier.

Selon le porte-parole du régime, Moussa Ibrahim, « l’Otan a mené une attaque haineuse sur Tripoli qu’il a frappée avec plus de 60 bombes », faisant « 31 morts » et « des dizaines de blessés ». « Je suis à proximité des bombardements mais je résiste toujours », avait assuré Kadhafi dans son message, tout en appelant « le peuple à résister ».

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Aïcha Kadhafi porte plainte contre l’Otan

Mais les moyens d’action du « Guide » paraissent plus limités que jamais. Sa fille, Aïcha (qui serait réfugiée en Algérie), a tenté une contre-attaque judiciaire en portant plainte mardi contre l’Otan, à Bruxelles et à Paris, pour « crimes de guerre ». En cause : le raid qui, le 30 avril, avait tué le plus jeune fils et trois petits-enfants du dirigeant libyen à Tripoli. Mais cette manœuvre juridique ne cache pas l’essentiel : le régime a perdu la main sur le terrain des opérations militaires.

« Nous continuons à faire pression sur le régime en limitant la capacité de Kadhafi à donner des ordres à travers ses centres de commandement », a expliqué un porte-parole de l’Otan, Mike Bracken. La résidence du colonel dans le centre de Tripoli, ainsi que la banlieue de Tajoura (est) et la route de l’aéroport au sud de la capitale, sont particulièrement visés par les bombardements. Quant au vaste complexe résidentiel du dirigeant libyen, ce n’est plus désormais qu’un tas de ruines et de gravats fumants.

La pression diplomatique est également très forte. « Kadhafi doit quitter le pouvoir et le rendre aux Libyens, et la pression ne fera que s’intensifier jusqu’à ce qu’il le fasse », a déclaré Barack Obama, qui a assuré voir une « tendance inexorable » se dessiner pour le départ du colonel Kadhafi.

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Kadhafi "ne peut plus diriger la Libye"

« Quoi qu’il arrive, il y aura une solution négociée, même avec le temps. Dans tous les cas, Kadhafi ne peut plus diriger la Libye. Son départ devient une nécessité », a estimé de son côté le président mauritanien Mohamed Ould Abdelaziz, qui préside un comité de chefs d’État de l’Union africaine (UA) chargé de trouver une solution négociée au conflit libyen.

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Du côté de la Russie et de la Chine, si l’on maintient officiellement une volonté de jouer les médiateurs aux côtés de l’UA, les choses bougent en faveur des rebelles du Conseil national de transition (CNT). Après que Pékin a décidé, quelques jours plus tôt, de s’impliquer dans la résolution du conflit en prenant bouche avec les insurgés, un émissaire russe s’est rendu pour la première fois à Benghazi, mardi, pour « faciliter le dialogue entre les deux camps ». Et surtout pour officialiser la nouvelle position de Moscou, longtemps proche de Tripoli. « Nous croyons que Kadhafi a perdu sa légitimité dès la première balle qui a tué un innocent », a déclaré l’envoyé spécial du Kremlin, Mikhaïl Marguelov.

Sentant ses derniers soutiens le lâcher, Tripoli a envoyé mardi le chef de la diplomatie libyenne, Abdelati al-Obeïdi, en Chine pour évoquer une solution politique et tenter d’empêcher un rapprochement entre Pékin et les rebelles. Mais les diplomates chinois étaient déjà en train d’arriver à Benghazi pour y rencontrer des membres du CNT…


L’envoyé spécial du Kremlin, Mikhaïl Marguelov avec Mahmoud Shamam du CNT, à Benghazi, le 7 juin 2011.
© AFP

Peau de chagrin

Le royaume de Kadhafi se rétrécit comme une peau de chagrin. L’isolement complet du « Guide » se traduit aussi au plan intérieur par des défections en série. Dernière en date : celle du ministre du Travail, Al Amin Manfur, qui a annoncé son soutien à la rébellion alors qu’il était en déplacement à Genève.

Dans ce contexte, l’envoyé spécial de l’ONU Adbel-Ilah al-Khatib est arrivé à Tripoli pour une visite qui n’avait pas été annoncée. Objectif : rapprocher les parties en faveur d’un cessez-le-feu que Mouammar Kadhafi n’a jamais appliqué concrètement sur le terrain. L’UA est aussi engagée depuis des semaines dans des efforts de médiation bien accueillis par le « Guide » mais systématiquement rejetés par la rébellion, qui refuse toute discussion avant le départ du dirigeant.

Sur le plan humanitaire, la situation de la Libye se détériore de plus en plus. Quelque 6 850 réfugiés fuyant les violences en Libye ont franchi la frontière tunisienne entre lundi et mardi matin, selon les autorités tunisiennes. Depuis le début le 15 février de l’insurrection, entre « 10 000 et 15 000 » personnes sont mortes et 890 000 ont pris la fuite, selon l’ONU. (avec AFP)

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