Affaire DSK : l’impossible portrait-robot d’une victime présumée

Alors que Dominique Strauss-Kahn, le patron du FMI, a été accusé d’agression sexuelle et placé sous le feu des projecteurs, sa victime présumée (Nafissatou Diallo ?) demeure introuvable. Un anonymat qui suscite une pléthore d’informations souvent contradictoires et, la plupart du temps, invérifiables.

La femme de chambre était employée du Sofitel de Manhattan, à New York. © AFP

La femme de chambre était employée du Sofitel de Manhattan, à New York. © AFP

Publié le 18 mai 2011 Lecture : 4 minutes.

Dimanche 15 mai, l’ « affaire » éclate. Dominique Strauss-Kahn, le patron du Fonds monétaire international (FMI), aurait abusé d’une femme de chambre au Sofitel de Manhattan où il séjournait, avant de prendre la fuite, toujours selon l’accusation, puis d’être interpellé par la police dans l’avion qui devait le ramener en Europe. Depuis, cette jeune femme mystère, dont l’identité est jalousement tenue secrète par la police américaine, a fait l’objet d’articles de presse souvent contradictoires.

Au début, selon la presse américaine, elle est une « jolie portoricaine de 32 ans ». « Notre employée travaille au Sofitel New York depuis trois ans et nous sommes entièrement satisfaits de son travail et de son comportement », confie à l’AFP le directeur général de l’hôtel, Jorge Tito. Les amis et voisins de la femme de chambre abondent dans le même sens : c’est « une femme sans problème », « bosseuse » et « généreuse ».

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Guinéenne, Ghanéenne ou Sénégalaise ?

Selon une information circulant sur Twitter et très vite reprise par la presse internationale, elle s’appellerait ou se ferait appeler « Ophelia ». Puis au fur et à mesure des « témoignages », plus ou moins relayés et vérifiés par les médias, elle se mue en « Nafissatou Diallo ». Un nom à consonance africaine. D’ethnie peule, probablement. Mais de quel pays ? Sénégal ? Ghana ? À moins qu’elle ne soit originaire de la Guinée ? C’est cette dernière option qui semble – pour le moment – avoir été retenue par l’opinion et corroborée par des recherches journalistiques que l’on veut croire sérieuses.

Mais il est bien difficile d’accorder du crédit à ces affirmations, quand tout et son contraire a déjà été dit et écrit. Pendant qu’Ophelia-Nafissatou (la presse guinéenne l’appelle déjà « Nafi » mais parle parfois d’« Assiatou ») reste la femme invisible la plus traquée par les médias, son frère « Blake Diallo », qui tiendrait un restaurant à Harlem, aurait parlé au Daily Mail en exclusivité.

Âgé de 43 ans, celui-ci raconte avoir été le premier que sa sœur a prévenu après l’agression dont elle aurait été victime. « Quelqu’un m’a fait quelque chose de très mal, j’ai été attaquée », lui aurait-elle dit. Son frère affirme qu’elle ignorait l’identité de son agresseur, et que c’est grâce à lui que sa sœur a su qu’elle portait des accusations contre le directeur du FMI. Mais comment le croire, quand on sait qu’une photo des clients V.I.P trônait dans la salle du personnel de l’hôtel, pour que les employés repèrent les clients devant être particulièrement choyés ? Toujours selon le frère, la jeune femme est francophone. Pourtant, un journaliste du Figaro écrit avoir rencontré un employé français du Sofitel qui, à la question de savoir si elle parlait sa langue a répondu : « Non, je ne pense pas… »

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De son côté, SlateAfrique a reçu le témoignage de plusieurs « membres de la famille ». Ils racontent l’arrivée de Nafissatou aux États-Unis en 1998, à l’âge de 19 ans donc, si elle a bien 32 ans aujourd’hui. Elle a suivi son mari (dont elle serait aujourd’hui séparée) et, si nos calculs sont bons, est à l’époque déjà maman d’une petite fille de deux ans – la plupart des médias indiquent en effet qu’elle vit aujourd’hui seule avec sa fille, une adolescente de 15 ans, même si pour Le Parisien, celle-ci serait plutôt âgée de 9 ans…

Musulmane pratiquante ?

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La suite est moins claire : « des voisins » cités par France Soir, décrivent une « musulmane pratiquante », qui porterait le voile. SlateAfrique semble avoir reçu les mêmes informations de la bouche de Mamadou Chérif Diallo, un « parent de la victime » qui évoque « une bonne musulmane […] vraiment très jolie, comme beaucoup de femmes peules ». Puis, sur le site de Guinée Conakry Infos, on indique que « Safiatou Diallo » serait « mère de deux enfants » – et non plus « Nafissatou », mère d’une seule fille de 15 ou 9 ans.

Mercredi 18 mai, coup de théâtre, on apprend que la jeune femme serait atteinte du virus du sida. Le New-York Post, tabloïd qui a déjà écrit que DSK avait l’intention de plaider coupable de relation sexuelle consentie sans que cette information n’émane d’une quelconque source officielle, a mené l’enquête. Selon le journal, la femme de chambre aurait séjourné un temps dans un appartement  mis à disposition par l’association « Harlem Community Aids United » qui réunit, comme son nom l’indique, une communauté de victimes du sida.

Depuis quatre jours s’esquisse donc l’étrange portrait-robot d’une jeune femme qu’on peut imaginer tout à la fois malade, d’origine africaine, discrète, belle, musulmane pratiquante, mère d’un ou deux enfants d’âge inconnu, mariée ou divorcée, sénégalaise, ghanéenne ou guinéenne. Une femme dont, au final, on ne sait rien. Sinon qu’elle nie catégoriquement avoir eu une relation sexuelle consentie avec Dominique Strauss-Kahn. Et qu’il faut, pour le moment, employer le conditionnel pour dresser son portrait.

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