Négociations salariales à haut risque en Afrique du Sud

L’Afrique du Sud retient son souffle alors que les négociations salariales dans le secteur minier viennent de commencer. C’est dans ce contexte que Julius Malema, le jeune politicien déchu de l’ANC, vient de lancer son parti.

Julius Malema, l’ancien leader de la ligue jeunesse de l’ANC. © AFP

Julius Malema, l’ancien leader de la ligue jeunesse de l’ANC. © AFP

ProfilAuteur_ChristopheLeBec

Publié le 17 juillet 2013 Lecture : 3 minutes.

« Notre plan, c’est l’expropriation des terres sans compensation. […] Nous voulons nationaliser les mines et nous ne payerons pas pour ça ! », proclamait Julius Malema le 11 juillet dernier, lors du lancement de  son nouveau parti politique, Economic Freedom Fighters – les Combattants pour la liberté économique. Le trublion sud-africain, exclu de l’ANC pour indiscipline et racisme, sait souffler sur les braises au bon moment. Le jeune politicien avait bien choisi sa date, alors que les négociations entre patrons et syndicats miniers viennent de débuter le 15 juillet, dans un climat social déjà très tendu.

Les revendications salariales des syndicats miniers n’ont en effet jamais été aussi fortes, compte-tenu des disparités sociales et du taux de chômage élevé dans les milieux noirs et populaires. Le traditionnel syndicat des travailleurs miniers (NUM) exige une hausse de 60% des salaires. La jeune Association des travailleurs miniers et de la construction (AMCU) – elle participe pour la première fois aux négociations salariales – réclame quant à elle son doublement.

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Négociations inclusives

Surfant sur les protestations et grèves illégales qui ont suivi le massacre de la mine de Marikana ainsi que sur les accusations de corruption et de collusion avec le pouvoir à l’encontre du NUM, l’AMCU est désormais majoritaire dans les mines de platine, et représente 17% des travailleurs de la filière aurifère. Le patronat a préféré l’inclure dans les discussions, pour qu’un accord négocié uniquement avec le NUM ne soit pas aussitôt conspué par des grèves dans les mines de platine, comme l’année dernière.

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Dans le même temps, le contexte économique minier est morose : Les prix de l’or et du platine, les deux minerais précieux les plus importants pour la Nation Arc-en-ciel, sont au plus bas. Avec une once d’or passée de 1 780 dollars en octobre 2012 à environ 1 250 dollars aujourd’hui, près de 60% des mines d’or du pays seraient déficitaires, selon la chambre des mines. Une estimation sans doute un peu exagérée – certains spécialistes rappellent que le cour de l’or était à moins de 300 dollars il y a dix ans, ce qui n’empêchait pas une rentabilité acceptable. Reste que le vieillissement des mines et leur mode d’exploitation – souterrain et peu mécanisé -, couplés aux hausses de salaires déjà accordées, ont rogné leurs marges. Et le très faible investissement pour ouvrir de nouvelles mines, aux coûts d’exploitations plus faibles, rend les analystes pessimistes.

Nous perdons le sens des faits dans des duels stériles qui n’ont pour seul objet que d’attirer l’attention sur certaines figures emblématiques.
Mark Cutifani, président de la chambre des mines d’Afrique du Sud

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Période de négociation cruciale

Du coup, face à Julius Malema, les patrons miniers actifs en Afrique du Sud sont à leur tour montés au créneau pour appeler à la retenue avant l’entrée en négociation. Mark Cutifani, nouveau patron du géant Anglo American et président – australien – de la chambre des mines d’Afrique du Sud, qualifie la période actuelle de négociation comme « la plus cruciale » qu’il ait eu l’occasion de vivre en Afrique du Sud. « Cela ne concerne pas seulement les mines, mais tout le monde dans le pays. Le secteur minier est connecté à tout en Afrique du Sud, cette industrie est vitale, touche toutes les parties du pays », fait-il valoir.

De fait plus de 500 000 emplois et 5% du PIB sud-africain proviennent directement des activités extractives. « Il n’est pas acceptable que les tactiques de lutte des classes soient utilisées pour diviser les communautés. Nous perdons le sens des faits dans des duels rhétoriques stériles qui n’ont pour seul objet que d’attirer l’attention sur certaines figures emblématiques », a lancé Cutifani depuis l’Australie, dans une allusion à peine voilée à Julius Malema.

Même si le gouvernement a appelé syndicats et patronat à faire preuve de réalisme, les discussions promettent d’être houleuses. Les négociations doivent aboutir d’ici à la fin du mois. De son côté, pour maintenir la pression, Julius Malema a d’ores et déjà annoncé un nouveau meeting, les 26 et 27 juillet prochain…

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