Tunisie : doutes sur la date de l’élection de la Constituante
Les Tunisiens n’en finissent pas de s’interroger sur l’origine des violences qui secouent actuellement le pays. Lors d’un discours dimanche soir, le Premier ministre Béji Caïd Essebsi a reconnu que des manipulations étaient à l’œuvre. Mais il n’a pas donné de détails et a également laissé planer le doute sur la date du 24 juillet, fixée pour l’élection d’une Assemblée constituante.
Les troubles que connaît actuellement la Tunisie, avec une reprise des émeutes contre le gouvernement provisoire, peuvent-ils avoir un impact sur le calendrier électoral ? C’est ce qu’a indirectement suggéré le Premier ministre, Béji Caïd Essebsi, dans un discours télévisé à la nation dimanche 8 mai au soir. « Le gouvernement s’est engagé en choisissant la date du 24 juillet, et on tient à cette date mais si le comité des réformes dit qu’il y a des empêchements techniques et logistiques, ce sera une autre probabilité à discuter », a-t-il déclaré.
« Il est vrai qu’il y a une lenteur dans l’étude de ce dossier mais la haute commission chargée de préparer ces élections cruciales de juillet est autonome et le gouvernement lui apporte seulement son soutien matériel et logistique », a-t-il ajouté. Tout en rappelant que l’action du gouvernement provisoire « cessera le jour de l’élection de l’Assemblée nationale constituante ».
Ces déclarations interviennent alors que 70 personnes ont été arrêtées – la plupart en flagrant délit – après de nombreux pillages et incendies samedi dans la banlieue de Tunis, malgré le couvre-feu nocturne en vigueur, a annoncé le ministère de l’Intérieur cité dans le quotidien La Presse. Des magasins à Sidi Hassine et à Kram, ainsi que des appartements à Sousse (sud) ont été saccagés et pillés, tout comme le siège de la direction régionale de l’Agriculture à Sidi Bouzid.
Milices du RCD
Selon le ministère de l’Intérieur, cinq postes de police et de la garde nationale à Mnihla, Intilaka, Ibn Khaldoun, El-Mourouj V et dans la ville de Kasserine, avaient également été incendiés samedi, avant l’entrée en vigueur du couvre-feu, par des jeunes armés de couteaux, de chaînes, de sabres et de cocktails Molotov.
Une source proche du gouvernement a affirmé à l’AFP que des milices du RCD payaient des jeunes pour semer le trouble dans le pays. De fait, la recrudescence des violences coïncide avec la multiplication des manifestations antigouvernementales à Tunis depuis jeudi, date à laquelle l’ancien ministre de l’Intérieur, Farhat Rajhi, a dénoncé un complot contre-révolutionnaire mêlant le gouvernement, l’armée et le RCD.
Béji Caïd Essebsi a quant à lui fermement démenti les allégations de Farhat Rajhi, mais il a reconnu l’existence de manipulations et la circulation d’importantes sommes d’argent en provenance de l’étranger. Il s’est également engagé à faire des révélations dans les semaines à venir tout en soulignant qu’un gouvernement « ne pouvait pas tout dire ». Ce qui a laissé les Tunisiens, encore une fois, dans l’incertitude et le non-dit.
La classe politique divisée
Dans ces conditions, le processus électoral paraît plus incertain que jamais, même si la Haute commission chargée des élections a déjà opté pour un scrutin de listes à la proportionnelle au plus fort reste, et respectant la parité hommes-femmes. La candidature de toute personne ayant assumé des responsabilités dans le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) au cours des vingt-trois ans du règne du président Zine el-Abidine Ben Ali a en outre été exclue par les autorités.
Mais cette décision – populaire en soi – a fait polémique, certains partis la jugeant populiste et préférant laisser à la justice le soin de condamner pour inéligibilité certains caciques de l’ancien régime. Surtout, la classe politique tunisienne se divise sur la date des élections. Ainsi, lors d’un meeting samedi, Maya Jribi, secrétaire générale du Parti démocrate progressiste (PDP d’Ahmed Néjib Chebbi), a confirmé « l’attachement de son parti à la date butoir fixée pour les élections de la Constituante » et a mis en garde contre les « appels réitérés en faveur du report de la date des élections ».
Pour elle, il faut « aller de l’avant sur la voie du labeur et de l’abnégation » et « s’investir davantage pour couronner de succès ces élections ». Une position que rejette le Mouvement de l’unité populaire (MUP), qui souhaite un report du scrutin et appelle à « opter pour un référendum sur le projet de Constitution qui sera élaboré par la commission des experts sous la supervision des partis et des composantes de la société civile ».
Rached Ghannouchi, chef du parti islamiste Ennahdha (Renaissance), a de son côté réaffirmé que « son mouvement ne proposerait pas de candidat à la prochaine élection présidentielle et se préparait pour les élections d’une Constituante ». (avec AFP)
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