Révolution tunisienne, deuxième round ?

Un couvre-feu d’une durée indéterminée a été décrété à Tunis et dans sa banlieue. En cause : les pillages et les émeutes de ces derniers jours, motivées par une théorie du complot contre-révolutionnaire, elle-même popularisée par l’ancien ministre Farhat Rajhi…

Des manifestants tunisiens face aux forces de l’ordre, le 6 mai 2011 dans le centre de Tunis. © Fethi Belaid / AFP

Des manifestants tunisiens face aux forces de l’ordre, le 6 mai 2011 dans le centre de Tunis. © Fethi Belaid / AFP

Publié le 8 mai 2011 Lecture : 2 minutes.

La Tunisie connaîtrait-elle une nouvelle phase de sa révolution ? Un couvre-feu nocturne courant de 21 heures à 5 heures (22 heures à 06 heures GMT) a été décrété samedi soir à Tunis et dans sa banlieue. Une décision prise pour une durée indéterminée, et qui se justifie par plusieurs jours de violences et de pillages dans la capitale et sa banlieue, selon les ministères de la Défense et de l’Intérieur cités par l’agence officielle TAP.

Aucune déclaration du gouvernement n’a accompagné cette annonce. Le journal télévisé s’est même ouvert vendredi soir sur la situation sécuritaire à la frontière libyenne, et a complétement occulté les émeutes populaires secouant le pays suite aux déclarations de l’ancien ministre de l’Intérieur Farhat Rajhi, le 5 mai dernier. Lequel accusait le gouvernement de comploter pour la contre-révolution avec l’armée et l’ancien parti de Ben Ali (le Rassemblement constitutionnel démocratique, RCD).

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Les militaires chassés à coup de pierre

Les 70 personnalités qui participent au « voyage du jasmin », organisé par l’Office national du tourisme tunisien pour le lancement de sa campagne de promotion qui met en avant, avec humour, la révolution tunisienne, risquent donc d’être servis. Depuis plus de 24 heures, des affrontements ont paralysé le centre de Tunis, certains quartiers périphériques de la capitale comme celui du Kram mais également plusieurs villes de l’intérieur du pays comme Sfax, Kairouan, Métaloui, où un couvre feu a également été instauré, et Kébili, où la population pourchasse les militaires à coups de pierres.

Les propos de Farhat Rajhi, qui n’apportait aucune preuve de ce qu’il avançait et a été démis de ses fonctions à la tête du Haut comité des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (HCDHLF), ont donc eu beaucoup d’échos. De fait, sa théorie du complot semble apporter une réponse claire aux nombreuses interrogations qui agitent les Tunisiens à cause de l’absence de communication du gouvernement. Et les manifestants ont visiblement durci le ton en s’en prenant ouvertement aux forces de l’ordre, qui répliquent avec une violence jamais vue depuis la chute de Ben Ali, le 14 janvier dernier.

L’homme providentiel

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À tel point que le gouvernement a dû présenter ses excuses suite à la violente répression d’une manifestation avenue Bourguiba, vendredi dernier à Tunis. Comme durant les semaines qui ont suivi le 14 janvier, au centre de Tunis, les commerces ont baissé leurs rideaux.  Un match de football au stade de Radès a tourné à l’émeute. Des combats continuent à la frontière libyenne. Dans tout le pays, la situation est extrêmement confuse.

Se méfiant des manipulations, de nombreux Tunisiens s’interrogent sur le fait que ces turbulences ont empêché le déroulement à Tunis de la plus importante manifestation organisée contre les islamistes. Mais aussi sur une troublante coïncidence entre ces événements et le premier jugement rendu contre un membre de l’ancien clan au pouvoir : Imed Trabelsi, neveu de Leila Ben Ali, poursuivi pour usage de drogue et condamné à deux ans de prison ferme. Se pourrait-il qu’il y ait vraiment, tapi dans l’ombre, un « sauveur de la nation » prêt à profiter de l’instabilité actuelle de la Tunisie ?

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