Tunisie : une manifestation violemment réprimée à Tunis

Les forces de l’ordre ont très violemment réprimé une manifestation organisée en soutien à l’ancien ministre de l’Intérieur Farhat Rajhi, qui avait dénoncé la veille un projet de coup d’État de l’armée. Une quinzaine de journalistes ont été agressés par les policiers, avec de nombreux manifestants.

Des policiers anti-émeutes tunisiens lors d’une manifestation, le 18 janvier 2011 à Tunis. © AFP

Des policiers anti-émeutes tunisiens lors d’une manifestation, le 18 janvier 2011 à Tunis. © AFP

ProfilAuteur_PierreFrancoisNaude

Publié le 6 mai 2011 Lecture : 3 minutes.

Mis à jour à 21h40.

La révolution dans la révolution ? Le gouvernement transitoire de Béji Caïd Essebsi ne l’entend pas de cette oreille. Ni les forces de l’ordre du ministère de l’Intérieur qui ont réprimé quelque 200 manifestants dans le centre de Tunis avec des méthodes qui ne sont pas sans rappeler les heures fastes de l’ère Ben Ali.

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Après 20 minutes de protestations avec des slogans antigouvernementaux comme « dégage ! » ou le pouvoir « travaille toujours pour Ben Ali », les manifestants se sont trouvés en face d’un cordon de policiers déterminés à les empêcher de progresser en direction du ministère de l’Intérieur sur l’avenue Habib Bourguiba. Puis soudain, sans raison apparente, les forces de l’ordre chargent à coups de matraque et de gaz lacrymogènes. Il est 13 heures 52.

Policiers cagoulés

Pris de panique, les manifestants, majoritairement des jeunes, et des piétons courent alors se mettre à l’abri. Accompagnés d’un blindé léger qui circulait sur l’avenue, les policiers se lancent à leur trousse. Pour la plupart cagoulés, ceux-ci circulent en moto ou à pied, parfois avec des chiens.

Quelques minutes plus tard, les forces de l’ordre procèdent à de violentes interpellations, n’hésitant pas à frapper à coups de pied et de matraques des manifestants – dont certains sont à terre. Le nombre des personnes interpellées n’a pas été communiqué, pas plus que celui des blessés.

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Quinze journalistes violemment agressés

Fathi Belaid, photographe de l’Agence France-Presse (AFP), a été sérieusement passé à tabac par des forces de l’ordre, comme quinze autres journalistes. « J’ai été agressé par quatre policiers dans l’escalier du journal La Presse. Ils m’ont pris deux appareils photo et un ordinateur portable et m’ont frappé sur la tête avec des barres de fer », a-t-il dit.

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« Des dizaines de policiers en uniforme et en civil ont frappé d’une manière cruelle des journalistes bien qu’ils savaient qu’ils étaient journalistes et ils ont cassé des appareils photos et poursuivi des journalistes jusqu’à l’entrée du journal La Presse », écrit le syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) dans un communiqué.

Outre Abdelfattah Belaid de l’Agence France-Presse (AFP) et du journal tunisien La Presse, figurent également parmi les journalistes agressés Chaffya Ibrahim du journal arabophone Echourouk, Zoubeir Essouissi de l’agence britannique Reuters, Houssem Hamed de la radio privée tunisienne chems FM, Nizar Elhajbi du journal La Presse et Ahmed Elfouli et Monia Abdallah de la chaine de tv privée tunisienne Hannibal ainsi que Massoud Kawach du journal arabophone El-Sahafa, ajoute le syndicat. Mais aussi Mohamed El-Hammi de l’agence EPA, Marwa Rkik de Radio Kalima, Hassan Dridi de l’agence de presse américaine Associated Press (AP), Hamza Elaouini de l’agence de presse TV, trois journalistes de la chaîne du Qatar Al-Jazeera – Lotfi Hajji, Mohamed Amin Ben Nejma et Anass ben Salah, selon le syndicat.

"Crime contre la liberté de la presse"

Le SNJT, qui qualifie ces violences de crime contre la liberté de la presse, dénonce les pratiques oppressives des agents de police à l’encontre des journalistes. Ces violences ont pour but de verrouiller les médias et de priver l’opinion publique des réalités en Tunisie, selon le SJNT, qui met en garde contre les menaces de faire retourner le pays sous l’oppression qu’il a connu sous l’ancien régime du président déchu Ben Ali. Le SJNT estime en outre que le gouvernement provisoire est entièrement responsable de la protection des journalistes.

L’organisation de défense des journalistes Reporters sans Frontières (RSF) a également dénoncé ces violences et demandé au gouvernement de transition d’ouvrir une enquête sur ces incidents et de donner des instructions claires aux forces de l’ordre afin que de telles pratiques cessent.

Des internautes s’étaient mobilisés sur Facebook pour appeler à la tenue de cette manifestation organisée en soutien à l’ancien ministre tunisien de l’Intérieur Farhat Rajhi, qui avait dénoncé la veille un complot du pouvoir et la préparation d’un coup d’État militaire. Celui-ci avait pourtant lancé un appel au calme, juste avant la manifestation. Environ 300 manifestants pro-Rajhi avaient été dispersés jeudi par la police au même endroit.(avec AFP)

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