Fathallah Oualalou : « Ce qui a pris un siècle en Europe se fera en vingt ans en Afrique »

Alors qu’il s’apprête à recevoir le congrès du réseau mondial des villes, le maire de Rabat détaille les enjeux démographiques, économiques et environnementaux de l’urbanisation.

L’élu est vice-président de CGLU pour l’Afrique du Nord. © Hasan Ouazzani

L’élu est vice-président de CGLU pour l’Afrique du Nord. © Hasan Ouazzani

Publié le 24 juillet 2013 Lecture : 3 minutes.

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Dossier urbanisme : quelles villes demain ?

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Président du conseil municipal de Rabat depuis 2009, Fathallah Oualalou, 71 ans, veut faire de sa ville natale « une capitale du XXIe siècle ». Vice-président pour l’Afrique du Nord de Cités et gouvernements locaux unis (CGLU, réseau mondial des villes et collectivités locales), l’ancien ministre socialiste (1998-2007) prépare activement l’accueil du Congrès mondial de CGLU, du 1er au 4 octobre. L’occasion d’ouvrir de nouvelles pistes de réflexion sur l’avenir des villes du continent.

Jeune Afrique : Pouvez-vous nous rappeler les diverses influences qui ont construit votre ville ?

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Fathallah Oualalou : Sa création est liée à son emplacement sur l’estuaire du Bouregreg. Les Phéniciens, les Carthaginois et les Romains s’y sont installés pour commercer, puis vinrent les Almoravides et les Almohades, qui, en 1150, y édifièrent une citadelle, une mosquée et une résidence. À la chute de Grenade, à la fin du XVe siècle, le site a accueilli de nombreux réfugiés musulmans et Juifs, qui apportèrent le savoir-faire architectural andalou (médina, portes, remparts). Puis les Morisques [musulmans expulsés d’Espagne après avoir été convertis de force au christianisme] se sont installés à Salé, avant que la dynastie des Alaouites prenne le pouvoir et fasse de Rabat une ville impériale. En 1912, Lyautey l’a choisie comme capitale du protectorat. Tout cet héritage a conduit l’Unesco à inscrire Rabat sur la liste du patrimoine mondial en juillet 2012.

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Ce statut est-il compatible avec celui de métropole du XXIe siècle ? 

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Jusqu’à récemment, Rabat était perçu comme une capitale administrative vivant au rythme de ses fonctionnaires, sans réelle source de revenus. Cela a bien changé. Avec l’émergence d’un pôle industriel et de services comme Technopolis, les activités se diversifient. Rabat remplit d’autres fonctions majeures : elle est la capitale du savoir, de la culture et de l’environnement ; elle abrite un palais royal, de grandes universités et des centres de recherche, le principal théâtre du pays, la Bibliothèque nationale, de nouveaux musées (de la Banque centrale, d’art moderne…). Un nouveau théâtre et un musée d’Histoire verront le jour prochainement.

De nombreux projets d’aménagement sont en cours depuis 2005. La ville s’est dotée d’un tramway, d’une marina, d’un nouveau quartier administratif et d’affaires (Hay Riad), de programmes résidentiels, et nous avons réconcilié les deux rives du Bouregreg, Rabat et Salé, à travers le projet d’aménagement de la vallée. C’est grâce à ces atouts que notre agglomération a été choisie pour accueillir, en 2008, le siège africain de CGLU et, en 2013, son sommet mondial.

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Nous devons nous ouvrir sur le monde et maîtriser notre avenir au niveau régional.

Que représente cet événement ?

Ce sera le centenaire du mouvement mondial des villes. Après la Seconde Guerre mondiale, ce mouvement a été divisé. Il y avait une concurrence entre les organisations de l’ancien bloc soviétique et celles liées aux pays occidentaux. Le congrès fondateur de CGLU, en 2004, à Paris, a permis d’unifier tout le monde. Puis il y a eu les sommets de Jeju (en Corée du Sud) en 2007, de México en 2010, et aujourd’hui celui de Rabat, le premier sur le sol africain. Notre continent vit une urbanisation accélérée. Cette mutation qui s’est faite en un siècle en Europe se fera en vingt ans en Afrique. Les enjeux sont énormes. Les villes africaines sont le nouveau laboratoire de la mondialisation.

Quels sont les principaux enjeux ?

Nous répondrons à nombre de questions sur le rôle de la ville au sortir d’une crise économique et financière qui a eu des effets majeurs dans la région méditerranéenne et en Afrique. Nous devons nous ouvrir sur le monde et maîtriser notre avenir au niveau régional. Cela implique de réussir les transitions démographique, démocratique, urbanistique, environnementale et énergétique.

Sur le plan institutionnel, il faut renforcer la décentralisation et faire reconnaître par nos responsables politiques l’échelon communal et régional. Nos villes sont au cœur de la création d’emplois, de la cohésion sociale, de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion, de l’aménagement du territoire, du défi écologique… De plus en plus d’élus, sur tous les continents, se sentent concernés.

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