Le Mali craint des représailles d’Aqmi après la mort de Ben Laden
Le ministre malien des Affaires étrangères, Soumeylou Boubèye Maïga, craint que la mort d’Oussama Ben Laden ne provoque « une fuite en avant » et une « autoradicalisation » d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
Bien loin des cris de joie de New York ou de Washington, Bamako s’inquiète. Soumeylou Boubèye Maïga, le ministre malien des Affaires étrangères (et fin connaisseur des groupes terroristes du nord du pays) craint que la mort d’Oussama Ben Laden ne se traduise par des attaques d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
« L’évènement accroît à court terme le risque d’une fuite en avant », analyse-t-il dans une interview au quotidien français Le Monde.
Certes, « Aqmi se voit privée de sa principale source d’inspiration idéologique et opérationnelle », note Soumeylou Boubèye Maïga. Mais, « les islamistes d’Aqmi n’ont jamais eu besoin matériellement d’Al-Qaïda centrale. […] À présent, la confrontation devient plus directe », juge-t-il, craignant une « autoradicalisation ».
Une "menace pour l’État malien"
D’autant que les crises de la région renforcent les djihadistes sahéliens. Après le début de la guerre en Libye, le Mali a enregistré « un afflux d’armes lourdes volées dans les arsenaux libyens », affirme Soumeylou Boubèye Maïga.
Avant lui, le président tchadien avait déjà affirmé, dans les colonnes de Jeune Afrique, que « les islamistes d’Al-Qaïda [avaient] profité du pillage des arsenaux [libyens] en zone rebelle pour s’approvisionner en armes, y compris en missiles sol-air, qui ont été par la suite exfiltrés dans leurs sanctuaires du Ténéré ». « C’est très grave. Aqmi est en passe de devenir une véritable armée, la mieux équipée de la région », avait ajouté Idriss Déby Itno.
Pour le ministre malien le pillage de ces arsenaux « est une menace de plus, non seulement pour les étrangers, mais pour l’État malien lui-même. »
Ben Laden toujours populaire à Bamako ?
Autre inconnue : quelle va être la réaction des Maliens après la mort du leader d’Al-Qaïda. « Il y a quelques temps, des tee-shirts et des photos à l’effigie de Ben Laden se vendaient, rappelle Soumeylou Boubèye Maïga, et on ne peut pas écarter des manifestations de sympathie à son égard. »
« L’opinion publique [malienne] est sensible à l’argument selon lequel les Occidentaux pratiquent le "deux poids, deux mesures" », rappelle-t-il, tandis qu’Aqmi « pèse sur la cohésion d’une société qui n’a jamais connu de telles fractures ».
Pour Soumeylou Boubèye Maïga la seule solution passe par la coopération avec les voisins sahéliens du Mali (ce fut l’une des raisons de son entrée surprise dans le dernier gouvernement malien) et la France. Il est donc en tournée dans les pays de la région : l’Algérie le week-end dernier, la Mauritanie lundi, puis le Niger jeudi.
Il doit enfin se rendre à Paris la semaine prochaine, notamment pour discuter des quatre otages français retenus par Aqmi dans le Sahel. La négociation avec leurs ravisseurs buterait notamment sur leurs « prétentions financières ». Celles-ci ont en effet de quoi faire « réfléchir » indique le ministre malien : « Le versement des 100 millions d’euros qu’il réclament, dit-on, risque de faciliter leur armement et leur recrutement. »
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