Sénégal : pour Wade, l’intervention française en Côte d’Ivoire est une « décision africaine »

Abdoulaye Wade se félicite de la chute de Laurent Gbagbo. Une position qui a aussitôt provoqué un début de chasse aux Sénégalais à Treichville, dans la capitale économique ivoirienne. Phénomène récurrent : depuis 2001, les tensions entre Dakar et Abidjan ont été nombreuses.

Abdoulaye Wade et Laurent Gbagbo en avril 2010, à Abidjan. © D.R.

Abdoulaye Wade et Laurent Gbagbo en avril 2010, à Abidjan. © D.R.

ProfilAuteur_PierreFrancoisNaude

Publié le 14 avril 2011 Lecture : 3 minutes.

C’est le premier président africain en exercice à réagir publiquement à la capture de Laurent Gbagbo. Dans une interview au quotidien français Le Figaro, paru ce jeudi, Abdoulaye Wade se félicite de l’installation au pouvoir d’Alassane Ouattara. « C’est une très bonne chose. À l’avenir, aucun chef d’État africain ne pourra plus s’aviser de refuser le verdict des urnes. Si l’on avait accepté le maintien de Laurent Gbagbo au pouvoir, ce n’était plus la peine d’organiser des élections en Afrique », déclare le président sénégalais, qui voit dans l’intervention de la France à Abidjan la main des États africains.

« L’UA a entériné notre décision. Chacun d’entre nous, les chefs d’État d’Afrique de l’Ouest, avons appelé ceux de nos homologues africains avec lesquels nous avons les meilleures relations, pour les convaincre. Puis l’Union africaine a saisi le Conseil de sécurité de l’ONU, qui a donné mission à la France de détruire les armes lourdes de Gbagbo. La décision vient donc de nous, les Africains. Le président  du Bénin [Yayi Boni, NDLR], celui du Nigeria [Goodluck Jonathan, NDLR] et moi-même avons été informés d’heure en heure par les autorités françaises. »

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"Les milices de Gbagbo s’attaquaient à tous les Ouest-Africains"

Pour Wade, l’intervention de la force Licorne était devenue une nécessité. « Il fallait aller vite. Si on ne l’avait pas fait, il y aurait eu beaucoup de morts. À la fin, la situation dégénérait. Les milices de Gbagbo s’attaquaient à tous les Ouest-Africains. Certains ont été brûlés vifs », assure le président sénégalais, qui « approuve  la décision de présenter Laurent Gbagbo à la justice ».

À Abidjan, la réaction des militants pro-Gbagbo ne s’est pas fait attendre. Certains d’entre eux ont aussitôt attaqué des Sénégalais dans le quartier de Treichville. Mais ce n’est pas la première fois que des civils paient pour les relations houleuses entre Gbagbo et Wade.

La première crise entre les deux pays éclate en janvier 2001, quand Wade déclare lors d’une conférence à Dakar : « Un Burkinabè souffre plus de racisme en Côte d’Ivoire qu’un Noir en Europe. » Puis, quand la tentative de coup d’État contre Gbagbo éclate en septembre 2002, nombre d’Ivoiriens favorables aux Forces nouvelles trouvent asile à Dakar. Le Sénégal octroie même un passeport diplomatique au chef de rebelles, Guillaume Soro. La chasse aux Sénégalais est ouverte à Abidjan, et Wade est obligé de dépêcher un avion pour évacuer ses compatriotes.

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Quand Gbagbo soutenait les rivaux de Wade

Les confrontations entre Gbagbo et Wade dépassent donc largement le champ idéologique – le premier appartient à l’Internationale socialiste, le second à l’Internationale libérale. Et elles ont des répercussions sur la vie politique de leurs pays respectifs.

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En novembre 2010, juste avant le deuxième tour de la présidentielle, Wade invite à Dakar Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara. Ce dernier affrète le même avion qui avait transporté Wade à Abidjan quelques mois plus tôt, en avril. L’affaire provoque un tollé à Abidjan, et Gbagbo rappelle son ambassadeur au Sénégal.

Selon des sources au sein du Front populaire ivoirien (FPI, ex-parti présidentiel), le clan Gbagbo s’apprêtait à financer Ousmane Tanor Dieng, du Parti socialiste sénégalais, à la présidentielle de 2012. Et Stéphane Kipré, le gendre de Gbagbo, est en étroite relation avec Macky Sall, l’ex Premier ministre sénégalais en rupture de banc. En avril 2009, leurs deux formations politiques, l’Union des générations nouvelles (UNG) de Kipré et l’Alliance pour la République (APR) de Sall ont notamment signé une « plateforme de coopération ».

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