Moubarak poussé devant la justice par la rue égyptienne
L’ancien président égyptien sera-t-il jugé ? Deux mois après la chute d’Hosni Moubarak, la pression populaire vient d’obtenir sa convocation devant la justice et exige désormais son procès pour malversations.
Pas de procès encore en vue pour Hosni Moubarak, mais déjà une convocation. La justice égyptienne a annoncé dimanche que l’ancien président et ses fils seraient appelés à la barre pour témoigner de leurs faits et gestes pendant les manifestations révolutionnaires de janvier et février derniers, durant lesquelles quelque 800 personnes ont trouvé la mort.
Le ministre de l’Intérieur Mansour al-Issawi a prévenu que le président déchu, qui est déjà en résidence surveillée à Charm el-Cheikh, et ses fils pourraient être arrêtés s’ils ne se rendaient pas à leur convocation.
« Toutes les mesures seront prises pour assurer la sécurité de M. Moubarak et de ses fils », Alaa et Gamal lors de leur audition, a déclaré le ministre dimanche. S’ils refusent de comparaître devant le parquet, à une date qui reste à déterminer, « des mesures légales seront prises », a-t-il précisé, évoquant une possible arrestation conformément à la loi.
Alaa (à g.) et Gamal Moubarak, les deux fils de l’ex-président égyptien sont aussi convoqués.
© Reuters
Indifférence au discours du "raïs"
Aux violences policières commises sous le règne de Moubarak, s’ajoute la corruption notoire en vigueur sous son régime à tous les échelons. L’enquête vise le plus haut niveau de l’État, des accusations de détournements de fonds publics pesant sur le clan Moubarak et concernant les trente années de pouvoir du président déchu.
L’ancien président n’a pas attendu pour réagir. Retranché dans sa station balnéaire, il avait disparu de la scène publique depuis sa chute, le 11 février. Dimanche, dans une allocution sonore diffusée sur la chaîne Al-Arabiya, il a enfin brisé le silence. Mais sa posture, à base de dénonciation de la « calomnie » et de défense de son « intégrité », n’a pas suscité pas beaucoup d’intérêt.
Pour la plupart des Égyptiens, celui qui a pillé les richesses du pays doit payer. Bloquer ses fonds en Égypte et geler les avoirs qu’il pourrait détenir à l’étranger ne suffit pas. Comme les arrestations et les mesures judiciaires au cours des dernières semaines contre des responsables ou des hommes d’affaires proches de l’ancien pouvoir.
Poursuite des manifestations
Deux mois après la chute du régime, les Égyptiens sont à nouveau descendus dans la rue vendredi, place Al-Tahrir, au Caire, pour exiger le procès de l’ancien « raïs ». Mécontents du peu de changements survenus depuis la révolution, ils reprochent également à l’armée de ralentir les réformes promises.
« Il y a certainement un sentiment de malaise dans le pays en général. L’action du Conseil suprême des forces armées est assez lente, il y a des mesures qui auraient pu être prises plus tôt », relève Moustafa Kamel Saïed, politologue à l’université du Caire. « Si M. Moubarak n’est pas traduit en justice, il y aura d’autres manifestations », ajoute-t-il.
« La pression sur l’armée est énorme, elle aurait du mal à repousser indéfiniment un procès », estime de son côté Rabal al-Mahdi, de l’Université américaine du Caire. Si l’armée jouit encore d’une certaine popularité dans une partie de l’opinion, son indulgence vis-à-vis de Moubarak pourrait lui faire perdre son crédit. Surtout, son attentisme contraste fortement avec la fermeté dont elle a fait preuve dimanche, en faisant condamner à trois ans de prison un simple blogueur accusé d’avoir « insulté » l’institution militaire. (Avec AFP)
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