Tunisie : opération déminage pour Caïd Essebsi, avant un nouveau sit-in à la Kasbah
Le Premier ministre tunisien Béji Caïd Essebsi s’est exprimé mercredi soir pour tenter de rassurer l’opinion tunisienne sur l’évolution de la transition. Mais un nouveau rassemblement est prévu à la Kasbah à partir du 1er avril.
Un mois après sa nomination, le Premier ministre du gouvernement de transition, Béji Caïd Essebsi, s’est évertué à rassurer les Tunisiens, même si, de son propre aveu, la situation dans le pays est « alarmante ». Interrogé mercredi soir par trois chaînes de télévision, il a d’abord adopté des postures bourguibiennes en soulignant avec fermeté son indépendance.
« Je suis un homme d’État et en tant que tel, je n’accepte pas qu’on empiète sur mes prérogatives et je n’ai pas à consulter le Conseil de protection de la révolution avant de prendre une décision ou de procéder à une nomination. » Une manière de répondre à ceux qui lui reprochent l’éviction de l’ex-ministre de l’Intérieur, Farhat Rajhi. Il a d’ailleurs indiqué que celui-ci serait appelé à une nouvelle haute fonction et que seules les circonstances sécuritaires expliquaient son départ de l’Intérieur.
En arabe dialectal, Béji Caïd Essebsi a répondu aux nombreuses critiques auxquelles son gouvernement fait face. « Les avocats et les magistrats qui sont venus devant le premier ministère pour scander le slogan de l’indépendance de la justice se trompent d’adresse », a-t-il affirmé, avant d’inviter les esprits au calme. « Tous ceux qui ont nui au pays et ont sali sa réputation seront poursuivis », a-t-il assuré.
Relance économique
Sur le plan sécuritaire et diplomatique, le Premier ministre a expliqué qu’il comprenait les inquiétudes italiennes et annoncé une surveillance accrue des frontières maritimes afin d’endiguer l’immigration clandestine vers l’Europe. Quant à la situation en Libye, il s’est montré très prudent. « Il s’agit d’un pays voisin avec lequel nous avons des relations étroites et des intérêts sociaux et économiques d’où notre position équilibrée en faveur du peuple libyen, tout en nous conformant à la légalité internationale et aux résolutions onusiennes », a-t-il dit. Sans se prononcer sur la détention, en Libye, du journaliste Lotfi Messaoudi, sur Al-Jazira…
Les questions économiques n’ont pas été non plus oubliées. Béji Caïd Essebsi a annoncé une refonte du budget de l’État, dès le mois de mai, et la création de 40 000 emplois dans les régions défavorisées, selon un projet public-privé qui sera présenté le 1er avril. Mais il a insisté sur la nécessité de stopper les grèves. « Il est inadmissible que des personnes sans emploi empêchent les autres de travailler », a-t-il assené.
L’intervention du Premier ministre a cependant laissé nombre d’acteurs de la vie politique sur leur faim. « Il y a un malentendu entre le gouvernement et la haute commission de surveillance de la révolution sur le rôle que cette dernière doit jouer », remarque Abdelaziz Belkhoja du Parti Républicain. « Par ailleurs, la nomination d’un nouveau ministre de l’Intérieur ayant appartenu à l’ancien régime est très maladroite. Comme souvent en tant de crise le Premier ministre aurait pu assumer ce portefeuille, d’autant qu’il le connaît pour y avoir exercé », note-t-il.
Réactions mitigées
Noureddine Ketari, ex-secrétaire d’État de Bourguiba et Ahmed Bouazi, membre du bureau du Parti démocrate progressiste (PDP, Ahmed Néjib Chebbi) adhèrent à la pondération de Béji Caïd Essebsi. « Le respect des échéances électorales prévues est fondamental car désormais le pays est dans l’urgence de sa reconstruction », insiste Bouazi.
Abdeljaoued Jounaidi, du parti Ettajdid, souligne pour sa part « la question de la transparence et de la nécessité de faire un inventaire des biens confisqués au clan Ben Ali. Il faut également plus de concertation du gouvernement avec les partis de l’ancienne opposition et veiller à ce que l’ensemble des forces progressistes puisse protéger les acquis de la révolution comme ceux de la Tunisie moderne ».
Enfin, les déclarations de Béji Caïd Essebsi ne semblent pas avoir freiné la rue tunisienne dans ses élans. La tenue d’un sit-in à la Kasbah – dont les deux précédentes éditions avaient conduit à la chute des deux premiers gouvernements de transition – est toujours prévue pour le 1er avril.
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