Côte d’Ivoire : Abidjan touché par un exode massif

Sous la pression des combats qui s’étendent à Abidjan, ils sont des milliers, chaque jour, à prendre la route de l’exil. Quand ils le peuvent.

Attente d’un bus pour Adjamé à la gare routière d’Abidjan, le 22 mars 2011. © AFP

Attente d’un bus pour Adjamé à la gare routière d’Abidjan, le 22 mars 2011. © AFP

ProfilAuteur_PierreFrancoisNaude

Publié le 23 mars 2011 Lecture : 2 minutes.

« Si ce n’est pas la guerre, ça y ressemble », lâche un homme dans la foule. La gare d’Adjamé, dans le nord d’Abidjan, ne désemplit pas. On s’y presse pour quitter la capitale économique ivoirienne en proie à une guerre civile qui ne dit pas son nom, et qui a déjà fait 500 000 déplacés et 440 morts, selon l’ONU. Les scènes d’exode le long des routes sont désormais presque banales.

« Je n’aime pas les bruits », dit une jeune maman d’un air las, en référence aux tirs de kalachnikov, de roquettes ou d’obus qui s’abattent depuis un mois sur Abidjan. Assise par terre à côté d’une montagne de sacs, de valises et de baluchons, cette commerçante attend depuis trois jours avec ses enfants qu’un bus les emmènent loin.

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Balles perdues

Depuis plusieurs jours, et malgré l’augmentation subite des tarifs, les Abidjanais se ruent par milliers vers la gare routière. Du matin au soir, les autocars les conduisent vers le centre du pays, la capitale politique Yamoussoukro et Bouaké, fief des Forces nouvelles de Guillaume Soro, alliées au président élu Alassane Ouattara.

« Je m’en vais au village, à Sakassou », au nord, précise Odile, la jeune maman. « On a peur d’Abidjan maintenant. Les gens tuent », confie de son côté Fatoumata, qui renvoie ses enfants au Mali, via Bouaké. « Ma sœur a été tuée par une balle perdue. On est fatigués ! », lance-t-elle, presque en criant.

Certains parlent confusément de tueries, des « tirs », mais d’autres accusent clairement les forces de l’ordre fidèles au régime ou ses partisans. Albert, par exemple, a pris peur quand le leader des « Jeunes patriotes » pro-Gbagbo, Charles Blé Goudé, a appelé le week-end dernier la jeunesse à s’enrôler dans l’armée pour chasser les « bandits ». Vigile depuis peu au chômage à cause de « la situation », sexagénaire, il « cherche à évacuer [sa] femme, [ses] enfants et [ses] sœurs ».

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"Je ne peux pas m’échapper"

« Tous les voisins sont partis » du secteur des « 220 logements », à Adjamé, raconte Salimata, employée de maison burkinabè. D’abord, la vie est restée normale. Puis peu à peu, des parents sont venus des quartiers de Yopougon (ouest) et d’Abobo (nord). Puis aux « 220 » aussi, il y a eu « trop de tirs ». Elle a loué un mini-car pour une fortune (450 000 F CFA, plus de 600 euros) et a mis le cap avec sa mère et une vingtaine de membres de sa famille vers Bouaké et le Burkina Faso.

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Les Abidjanais favorisés s’envolent eux pour le Togo, le Ghana ou l’Europe. Beaucoup n’ont pas de point de chute ou pas les moyens de partir – mais ce n’est pas l’envie qui leur manque. Kassoum est l’un d’eux. Il traîne sa silhouette massive entre les femmes et les gamins qui attendent sous le soleil à la gare routière. « Je ne peux pas m’échapper. Je n’ai pas de solution ». Ils sont des centaines de milliers, comme lui, pris en otages par une guerre qui ne fait que commencer. (avec AFP)

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