RDC : au coeur du Centre d’études nucléaires de Kinshasa
La vague d’angoisse liée à la catastrophe nucléaire au Japon n’épargne pas l’Afrique. À Kinshasa, le commissaire à l’énergie atomique a tenu à rassurer sur l’état du réacteur nucléaire congolais, le premier construit en Afrique. Endormi depuis sept ans, il n’en reste pas moins un danger potentiel, tout comme les déchets radioactifs encore stockés sur le site. Reportage.
« Nous suivons ce qui se passe au Japon au jour le jour. Nous nous sentons concernés », explique le professeur Vincent Lukanda Mwamba, commissaire général à l’énergie atomique de République démocratique du Congo (RDC). Son bureau, dissimulé derrière une porte capitonnée façon ministre, est à moins de vingt mètres du réacteur nucléaire congolais.
Nous sommes au Centre régional d’études nucléaires de Kinshasa, le Cren-K, un bâtiment blanc et bleu, entouré d’arbres immenses et d’herbes folles, sur les collines de l’université surplombant la mégapole congolaise.
Il n’est pas possible sans autorisation ministérielle d’approcher ou de photographier le réacteur. On peut cependant, en collant son nez à la vitre fumée, l’apercevoir, depuis le hall d’entrée, juste derrière une seconde porte vitrée. Ici, pas de reconnaissance digitale ou biométrique. Pour ouvrir, il suffit d’une clé.
Photographie du réacteur nucléaire congolais.
© Cren-K
Manque de financements
Depuis 2004, le réacteur est à l’arrêt. « Il faut changer le tableau de commande et passer d’un pupitre analogique à un pupitre numérique », explique le professeur Mwamba. L’investissement n’est que de 3 millions de dollars, le centre attend pourtant toujours un financement.
Il n’y en a pas non plus pour remplacer la clôture actuelle, inadaptée, par un vrai mur d’enceinte. En 2006, selon les révélations faites récemment par WikiLeaks, les États-Unis s’inquiétaient des lacunes dans le dispositif de sécurité. « Nous avons maintenant des caméras de surveillances et des policiers sur le site 24 heures sur 24 », assure le commissaire général.
Le professeur Vincent Lukanda Mwamba, commissaire général à l’énergie atomique de RDC, pose devant une photographie du réacteur.
© Fabienne Pompey pour J.A.
Le vol dans les années 1970 de deux barres de combustibles nucléaires faiblement enrichis, dont l’une n’a jamais été retrouvée, avait montré les défaillances du système. Les États-Unis avaient noté, entre autres, le faible salaire des employés (entre 40 et 150 dollars par mois) qui pourraient être tentés de monnayer leur accès au site ou de se lancer dans d’autres activités illicites.
« Aujourd’hui il n’y a pas de salaires de moins de 300 dollars par mois », assure le professeur Lukanda Mwamba. Au prix de la barre de combustible, il n’est pas certain que cela suffise…
L’autre inquiétude porte sur les glissements de terrain. Le centre est situé sur le campus de l’Université de Kinshasa, une zone soumise à une forte érosion. Il y a quelques mois, le ministre de l’Enseignement, l’universitaire Léonard Mashako Mamba, lançait « un cri d’alarme désespéré parce que les érosions sont en train d’emporter la première et la plus grande université du pays ». « L’urgence est urgentissime », avait-il dit, estimant que le centre d’études nucléaires, même s’il n’est pas le plus vulnérable des bâtiments, est aussi menacé.
L’ex-président du Zaïre, le maréchal Mobutu Sese Seko, dans la salle des commandes du réacteur en 1974.
© Archives Cren-K
Déchets radioactifs
« Il y a plusieurs têtes d’érosion, effectivement », reconnaît le professeur Lukanda Mwamba, qui assure que des mesures ont été prises. « Nous avons reboisé et construit un collecteur » pour canaliser les eaux de pluies, explique-t-il. Mais il manque toujours au centre un financement pour stabiliser les berges autour du collecteur…
Chaque année l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) effectue une visite à Kinshasa pour contrôler le site. « Aucun problème n’a été signalé. Nous restons dans les normes », ajoute le commissaire.
Le centre n’abrite pas que le réacteur inauguré en 1972. Il y a aussi les restes du précédent, qui a fonctionné de 1959 à 1970, ainsi qu’un certain nombre de déchets plus ou moins radioactifs, stockés sur place.
En blouses blanches, avec à la poche leur compteur de radioactivité, les chercheurs du Cren-K continuent de croire qu’ils ne sont pas là juste pour veiller sur des déchets et un réacteur endormi. « Notre réacteur est encore utilisable, peut-être pendant vingt ans. Nous avons la responsabilité de ne pas l’abandonner », plaide le professeur Lukanda Mwamba, qui rêve d’avoir bientôt un centre d’oncologie où l’on traitera les cancers par radiothérapie. « Un projet accepté par le gouvernement et qui suit son cours. » Tout comme celui du nouveau pupitre numérique…
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