Libye : Kadhafi avance vers Benghazi, la communauté internationale tergiverse

Les forces de Mouammar Kadhafi tentent de prendre de vitesse la communauté internationale qui est divisée sur les mesures à adopter pour aider les insurgés. Pendant ce temps, Benghazi s’apprête à affronter les troupes du « Guide » libyen.

Des insurgés libyens, le 13 mars 2011 à Brega. © AFP

Des insurgés libyens, le 13 mars 2011 à Brega. © AFP

ProfilAuteur_PierreFrancoisNaude

Publié le 14 mars 2011 Lecture : 4 minutes.

Ajdabiya est une ville clé. Dernier verrou avant Benghazi et carrefour routier vital entre plusieurs villes de l’est de la Libye, elle commençait lundi à subir l’assaut des forces de Mouammar Kadhafi. Dans la matinée, des bombardements ont visé sa sortie ouest, tandis que de nombreux civils fuyaient la ville.

Un officier de l’aviation libyenne ayant rejoint l’insurrection, le colonel Jamal Mansour, a indiqué qu’il s’agissait de raids aériens menés par des bombardiers Sukhoï 24, de fabrication russe. « Les forces de Kadhafi pratiquent la politique de la terre brûlée », a-t-il affirmé, dans un bâtiment autour duquel sont déployés des pick-up équipés de batteries antimissiles pointées vers le ciel.

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À Benghazi, l’euphorie des premières semaines de la révolte a fait place à l’inquiétude. La ville n’est qu’à 160 km au nord d’Ajdabiya et se prépare elle aussi à être assiégée par les forces de Kaddafi. Ces dernières jours, ces dernières ont multiplié les conquêtes – Brega, Zawiyah et Ras Lanouf étant les dernières en date – à coups d’artillerie lourde, de raids aériens meurtriers. Dans l’Ouest, les rebelles contrôlaient toujours Misrata (150 km à l’est de Tripoli), mais des tirs d’armes automatiques résonnaient aux abords de la ville, selon un habitant.

Supériorité militaire

« Le moral des troupes n’est pas en baisse, mais malheureusement, la puissance tactique, humaine, financière et militaire [de Kadhafi] est tellement plus élevée… », relève Molly Tarhuni, analyste indépendante basée à Londres. Celle-ci note aussi qu’en trois semaines, Kadhafi a pu « travailler en sous-main » pour « infiltrer » les villes rebelles, « étendant les tentacules des vastes » réseaux de ses services de renseignements. À Tripoli, les forces gouvernementales répriment toute opposition « avec brutalité », selon l’organisation Human Rights Watch : arrestations arbitraires, disparitions forcées, tortures…

Par ailleurs, les forces de Kadhafi ont également attaqué la ville de Zouara (120 km à l’ouest de Tripoli) contrôlée par la rébellion, selon des sources concordantes. « Il y a des poches de résistance à Zouara. Les forces armées vont purger la ville », a indiqué à l’AFP une source proche des autorités libyennes, laquelle minimise les combats. « Il y a quelques éléments saboteurs qui résistent. Mais rien de grave », a-t-elle ajouté.

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Pressés par les rebelles de leur venir en aide et surtout d’empêcher le colonel Kadhafi d’utiliser son aviation, les Occidentaux et les Russes se concertaient lundi lors d’une réunion des chefs de la diplomatie du G8, au sujet notamment de l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne. Mais le temps semble jouer en défaveur des rebelles, et l’armée libyenne a dit sa volonté de « purger » l’ensemble du pays. Divisés sur les moyens de mettre un terme à la répression – bombardements, zone d’exclusion aérienne, fourniture d’armes à l’opposition – les Occidentaux sont pris de vitesse par les victoires du régime sur le terrain.

« Le monde est contre Kaddafi, mais il perd du temps à agir. Or dans toute l’histoire du régime Kadhafi, en plus de 40 ans, il a toujours remporté la partie en jouant la montre. Ça lui permet d’agir, d’avancer ses pions », relève Shukri Al Sinki, un opposant libyen basé au Caire.

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Carte de localisation des combats entre pro et anti-Kadhafi (cliquer pour agrandir).
© AFP

La partie n’est pas perdue

De fait, la zone d’exclusion aérienne, réclamée avec force par les rebelles et soutenue par la Ligue arabe, ne semble convaincre ni la Chine ni la Russie, membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU. Moscou a toutefois interdit lundi à Mouammar Kadhafi et à sa famille de pénétrer en Russie et d’y mener des opérations financières.

C’est un signe que la partie est loin d’être perdue pour les insurgés. Les « victoires » de Kadhafi n’ont pas suscité la ferveur populaire dans les villes « nettoyées » des « terroristes d’Al-Qaïda », responsables de la révolte, selon Tripoli. Zawiyah, Ben Jawad et Ras Lanouf étaient désertées de leurs habitants, et seuls des miliciens armés y circulaient, a constaté un journaliste de l’AFP qui s’est rendu dans chacune de ces villes juste après qu’elles soient repassées sous le contrôle de Tripoli. La répression sanglante de l’insurrection a fait des centaines de morts et poussé à la fuite plus de 250 000 personnes. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a annoncé dimanche avoir envoyé depuis la Jordanie sept camions chargés de nourriture et de médicaments vers Benghazi. Dix camions supplémentaires devront suivre.

Mais quelle que soit la suite des événements, il restera toujours des gagnants. Le colonel Kadhafi a d’ores et déjà invité des firmes de Chine, de Russie et de l’Inde à venir exploiter du pétrole en Libye, après le départ de la majorité des compagnies étrangères. La Compagnie pétrolière nationale libyenne avait appelé à la reprise du travail affirmant que les ports pétroliers étaient désormais « sûrs » et « opérationnels ». (Avec AFP)

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