Des sanctions inappropriées contre Abidjan

L’homme d’affaires libano-ivoirien Roland Dagher, membre du Conseil économique et social de Côte d’Ivoire et proche de Laurent Gbagbo, est sous le coup de sanctions imposées par l’Union européenne. Il explique pourquoi, selon lui, ces sanctions sont inéquitables.

Enlèvement de sacs de cacao au port de San Pedro, à Abidjan. © AFP

Enlèvement de sacs de cacao au port de San Pedro, à Abidjan. © AFP

Publié le 14 mars 2011 Lecture : 3 minutes.

Aujourd’hui, en Côte d’Ivoire, l’heure est à la pensée unique. Alors que dans les faits c’est Laurent Gbagbo qui tient, envers et contre tous, les rênes du pouvoir d’État, la communauté internationale exige que les Ivoiriens reconnaissent Alassane Ouattara comme le détenteur exclusif du pouvoir d’État. Que signifie reconnaître Alassane Ouattara, en tant que président élu, pendant que toute l’administration est sous le contrôle de Laurent Gbagbo ? Bien malin qui pourrait trouver la solution de cette grande équation.

C’est dans ce contexte de labyrinthe où tous les chemins mènent à l’administration de Laurent Gbagbo que l’Union européenne (UE) a décidé de sanctionner, sur les recommandations du camp Ouattara retranché au Golf Hôtel, des entreprises et des hommes d’affaires qui « collaborent » avec le gouvernement en place.

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Selon leurs initiateurs, ces sanctions seraient un moyen efficace pour exercer une pression financière afin d’affaiblir Laurent Gbagbo et l’amener, à terme, à céder le pouvoir à Alassane Ouattara. Pourtant, des entreprises comme la Société nationale d’édition de documents administratifs et d’identification (Snedai), la Société de négoce café-cacao de Côte d’Ivoire (Cafcaci), MLB Consulting, proches de Ouattara, collaborent avec l’administration Gbagbo sans être inquiétées par les Européens, qui veulent la justice en créant des injustices.

Dans une économie extravertie comme celle de la Côte d’Ivoire, les mesures de l’UE fragilisent les relations des entreprises indexées avec leurs partenaires extérieurs. Ces sanctions vont du gel des avoirs à l’interdiction de voyager dans les pays de l’UE. En d’autres termes, l’UE veut pousser ces entreprises à la faillite. Aucune entreprise occidentale ne prendra le risque de faire affaire avec une consœur sanctionnée.

Cinq cent mille emplois directs et un million d’emplois indirects dans le secteur informel sont mis en péril. Une situation qui pourrait, à terme, désorganiser et déréglementer l’économie nationale. Voudrait-on détruire les fondamentaux du tissu économique ? Les sanctions contre les deux ports du pays, celui d’Abidjan et celui de San Pedro, ont coupé la Côte d’Ivoire du monde entier. Vaste programme pour une institution qui conçoit, finance et multiplie des projets de développement en Afrique !

C’est à croire que certains ont juré d’obtenir le départ de Laurent Gbagbo à n’importe quel prix, y compris la compromission et la négation même des fondamentaux. Car, dans la recherche des voies et moyens pour affaiblir les entreprises, l’UE se fourvoie jusqu’à interdire de séjour, sur le territoire des pays membres, des ressortissants de l’Union. Ce fut le cas de l’homme d’affaires Frédéric Lafont, avant que l’organisation européenne, après s’être rendu compte de sa gaffe, décide de ne pas le sanctionner.

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À l’évidence, il y a une étape qui manque dans l’élaboration de la liste : l’étape de la rigueur, de la vérification, du doute objectif. L’UE se pose-t-elle la question de savoir si les personnes dont les noms figurent sur ses listes sont « sanctionnables » ? Assurément, non. Sinon, elle n’aurait pas commis et réparé plus tard les bévues qu’elle a faites en annonçant des noms, et en les retirant après protestations énergiques de ces personnes.

Ces sanctions de l’UE sont une fierté affichée pour Guillaume Soro et son gouvernement, qui n’hésitent pas à brandir des menaces. Une porte ouverte aux délations et aux dénonciations de toutes sortes, d’autant plus que l’UE ne se donne pas la peine de vérifier la pertinence ni l’objectivité de ces sanctions.
 

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