Émeutes à Dakhla, le Festival Mer et désert annulé
Le festival Mer et désert de Dakhla a tourné à l’émeute, dans la nuit du vendredi 25 février et toute la journée du samedi 26. Les autorités ont décidé l’annulation de la dernière journée – celle du 27 février, également 35e anniversaire de la déclaration d’indépendance de la République sahrouie.
Mis à jour le 28/02/2010 à 09h18
La petite ville de Dakhla, située en plein cœur du Sahara occidental, a été le théâtre d’émeutes entre jeunes Marocains « de l’intérieur » et des populations sahraouies, en marge du festival culturel Mer et désert, dans la nuit du vendredi 25 au samedi 26 février. On déplore 15 blessés et de dégats matériels, selon les autorités marocaines qui ont qualifié ces événements d’ « actes de vendalisme ».
Le second grand concert, donné vendredi soir place Hassan II, était un moment à la fois familial et tendu. Les slogans « Sahara marocain ! » chantés dans la foule et les nombreux drapeaux du royaume témoignaient de l’importance de l’événement pour les défenseurs d’un Maroc unitaire dans cette région annexée en 1975.
Mais pendant la nuit, la revendication a tourné à l’émeute dans le quartier sahraoui d’Oum Tounsi. « Nous avons été attaqués par des civils marocains », racontait, le lendemain, Hassan, un fonctionnaire se présentant comme un militant du droit des Sahraouis. Autour de lui gisaient des carcasses de voitures brûlées à la bombonne de gaz. « Les gens qui rentraient du concert se sont mis à courir devant des agresseurs qui s’en sont ensuite pris à des habitations », confirme un artiste étranger programmé au festival et hébergé dans le quartier.
Dans les rues d’Oum Tounsi samedi soir, on recensait bris de verre, façades défoncées et véhicules militaires positionnés. Des affrontements se sont poursuivis le dimanche – jour du 35e anniversaire de la déclaration d’indépendance de la République arabe sahraouie démocratique en 1976 – avant que la situation ne se calme. La présence de l’armée a pour l’instant apaisé des émeutes face auxquelles l’intervention de la police a été tardive. Un commerçant d’Essaouira est décédé sous les roues d’un véhicule dont le conducteur est recherché.
Dimanche matin lors d’un point de presse, les autorités ont annoncé officiellement l’arrêt des festivités. « Un groupe de sépartistes [pro-Polisario, NDLR] a exploité ces violences à des fins politiques », a indiqué le wali de Laayoune Khalil Dkhil.
Un développement inégal
Dans une ville que l’on dit moins politisée que Laayoune – l’autre ville du Sahara marocain où des émeutes avaient fait 13 morts en novembre dernier -, le festival Mer et désert se veut le symbole d’un développement accéléré depuis cinq ans. Compétitions de sport nautique et grands concerts publics attirent des jeunes venus de très loin, dans un cadre idyllique. Événement aux couleurs nationalistes, le festival avait, au cours des quatre éditions précédentes, suscité des troubles mais jamais de cette ampleur.
Des investissements massifs ont été réalisés par l’État marocain en termes d’infrastructures pour désenclaver la ville la plus au Sud du pays. Autre objectif : développer la pêche et le tourisme, notamment par le biais du festival. Mais « il y a deux Dakhla », estime Mohamed, 21 ans, un habitant d’Oum Tounsi. « Ici les Sahraouis n’ont pas vu leur quartier se développer et nous sommes tous au chômage parce que l’on est désavantagés. »
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Par Constance Desloire, envoyée spéciale à Dakhla
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