Témoignage : « Je n’ai jamais pensé vivre sans Kadhafi »
Alors que le « Guide » libyen, Mouammar Kadhafi, doit faire face à une révolte populaire sans précédent, les langues se délient au sein de la population et disent la peur et la lassitude après quarante années de ce régime.
Aïcha* a 30 ans, est originaire de Benghazi, habite Paris depuis deux ans et refuse que l’on en écrive plus pour protéger sa famille. Elle vit la révolution libyenne à distance – au téléphone avec ses proches restés au pays et devant un écran plat bloqué sur Al-Jazira -, mais « le mal au ventre ».
« Au début, quand j’ai vu l’appel à manifester le 17 février sur Facebook, je me suis dit que ça ne donnerait rien, raconte-t-elle. Mais comme les comités révolutionnaires ont commencé à tirer, chacun est sorti parce qu’il venait de perdre quelqu’un. Les gens ont d’abord commencé par manifester contre la répression. Ils se sont dit : « Après 41 ans de pouvoir, vous nous envoyez les forces spéciales pour nous tuer ? Mais on ne vaut rien pour vous ! » »
Née cinq ans après l’arrivée du « Guide » au pouvoir, Aïcha n’a « jamais pensé vivre sans lui », car « il y avait Kadhafi, mais aussi sa famille pour lui succéder. » « Vivre avec lui », c’était être « dans un état de peur permanente, peur de la répression mais aussi des autres, car on ne savait jamais qui était de votre côté, surtout à la fin des années 1980. »
Grâce à de nombreux voyages, son enfance ne fut toutefois pas des plus sombre. Mais « quand je disais que je venais de Libye et qu’on me répondait, "ah, de chez Kadhafi", cela me faisait si mal », se souvient-elle. Sa façon de résister : « bloquer Kadhafi hors de ma vie ». En clair, fermer les yeux et les oreilles lors de chaque discours du Guide ou de sa nombreuse progéniture. Le 20 février, c’était la première fois qu’elle écoutait Seif el-Islam. Et, espère-t-elle, la dernière.
*Le prénom a été modifié à la demande du témoin
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