Algérie : la levée de l’état d’urgence, pour quoi faire ?

Officielle depuis jeudi 24 février, la levée de l’état d’urgence semble laisser beaucoup d’Algériens indifférents. Les manifestations ne sont toujours pas autorisées à Alger, les libertés politiques ne sont pas étendues, la corruption est toujours aussi importante et le rôle de l’armée dans la vie quotidienne et la lutte antiterroriste ne change pas… La mesure suffira-t-elle à dissiper le vent de contestation qui souffle en Algérie ?

Des étudiants manifestent à Alger, le 22 février. © AFP

Des étudiants manifestent à Alger, le 22 février. © AFP

ProfilAuteur_PierreFrancoisNaude

Publié le 25 février 2011 Lecture : 2 minutes.

On l’attendait depuis plus de trois semaines, selon un suspense ménagé par le pouvoir algérien pour obtenir le plus de retentissement médiatique possible… Mais la décision de lever l’état d’urgence, lequel courait depuis 19 ans en Algérie, laisse désormais une attente très forte chez les Algériens tant les promesses d’ouverture politique demeurent pour l’instant lettre morte.

Le décret de la levée de l’état d’urgence, daté du 23 février, a été publié en ligne au Journal Officiel jeudi. Mais l’opposition qui la réclamait reste désormais déterminée à mener une nouvelle manifestation samedi pour réclamer un changement de régime.

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Said Sadi, qui préside le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), a immédiatement minimisé l’importance de la mesure gouvernementale. « C’est un effet d’annonce, c’est une manœuvre, car l’état d’urgence est maintenu dans la capitale », a-t-il affirmé, en faisant référence à l’interdiction de rassemblements dans les rues d’Alger, une mesure adoptée en 2001 après une manifestation sanglante de Kabyles.

"Changement de régime"

« Nous sommes déterminés à un changement de régime et toutes les semaines il y aura des marches », a affirmé Sadi, malgré la défection récente de certains membres non politiques (syndicats, associations) de la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD), une colaition d’opposition qui avait lancé le mouvement de mobilisation pacifique.

Les deux précédentes manifestations, les 12 et 19 février, ont été étouffées par un déploiement policier exceptionnel. Juste avant, le 3 février, le président Abdelaziz Bouteflika avait promis de lever l’état d’urgence, que réclamait l’opposition, mais aussi des mesures pour l’emploi, le logement et la lutte anticorruption dont la mise en œuvre pratique se fait attendre.

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Jeudi, pour les 40 ans de la nationalisation des hydrocarbures et les 55 ans de la centrale syndicale UGTA, Bouteflika s’est contenté de répéter que la lutte anticorruption était « au cœur » des préoccupations de l’État. Mardi dernier en Conseil des ministres, d’autres mesures ont été annoncées concernant notamment la construction de logements sociaux.

Libertés restreintes

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Mais les libertés politiques demeurent restreintes depuis 1991 – soit à peine deux ans après la reconnaissance du pluralisme politique en 1989. Les partis politiques n’ont donc presque jamais connu d’activité normale. Jeudi, le ministre de l’Intérieur Dahou Ould Kablia a indiqué que le gouvernement « n’envisageait pas pour le moment » d’autoriser de nouveaux partis politiques, alors qu’au moins sept formations attendent leur agrément.

En outre, la levée de l’état d’urgence ne change pratiquement rien au dispositif sécuritaire. Les militaires gardent une partie du pouvoir que leur conférait cette disposition pour poursuivre la lutte antiterroriste en vertu d’une nouvelle loi.

Le président américain Barack Obama a tout de même félicité le gouvernement algérien pour la levée de l’état d’urgence en se disant « impatient de voir les prochaines mesures qui seront prises pour permettre aux Algériens d’exercer pleinement leurs droits universels, dont la liberté d’expression et d’association ». (Avec AFP)

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