Libye : la Cyrénaïque aux mains des opposants, le bilan de la répression s’alourdit
Malgré les menaces de « boucherie » proférées mardi par Mouammar Kadhafi, les opposants ont pris le contrôle de la côte orientale de la Libye. Des soldats ont également rejoint le soulèvement populaire contre le régime. Selon un nouveau bilan, la répression aurait fait plus de 640 morts.
Au fur et à mesure que le « royaume » de Mouammar Kadhafi se rétrécit, les défections se multiplient et les langues se délient. « J’ai la preuve que Kadhafi a donné l’ordre pour [l’attentat de] Lockerbie » en 1988, affirme désormais l’ex-ministre libyen de la Justice, Moustapha Abdel Jalil, au journal suédois Expressen. Tout se passe comme si le « Guide » n’en avait plus pour longtemps au pouvoir. Voire…
Il semble en tout cas ne plus vraiment pouvoir compter que sur sa garde très rapprochée. Il a perdu presque complètement le contrôle de la Cyrénaïque, province de l’est du pays, comme l’a indiqué mercredi matin le ministre italien des Affaires étrangères Franco Frattini. Des insurgés, la plupart armés, ont été vus par des reporters de l’AFP sur toute la route allant de la frontière égyptienne à la ville de Tobrouk, à 150 km à l’ouest de Tripoli, au bord de la Méditerranée.
Partout sur les routes de cette ville portuaire, la joie de la libération s’exprimait sur les visages. Les insoumis du régime agitaient fièrement le drapeau de l’indépendance de 1951. Avec une certitude bien ancrée au fonds d’eux-mêmes : le dirigeant honni, qui promet une « boucherie » à son propre peuple, ne se maintiendra pas encore longtemps au pouvoir, pensent-ils.
Au cœur de la révolte
Tobrouk vit sa révolution depuis plusieurs jours déjà. L’armée a refusé de tirer sur les manifestants et a rejoint la rébellion. Depuis une semaine est née la « radio libérée » qui accable le régime désormais vacillant et réclame la poursuite de la révolution, en donnant la parole aux auditeurs anti-Kadhafi. Le « Guide » libyen y est souvent décrit comme un « âne »…
Dans la ville, les symboles du régime ont été détruits et des portraits de Kadhafi piétinés. Tous les drapeaux libyens ont été remplacés par ceux de l’indépendance. Dans le centre, la place de la Jamahiriya a été rebaptisée du nom d’une victime du régime, Mahdi Elias, un étudiant pendu en 1984 à son retour d’un séjour aux États-Unis, au moment de la crise entre Washington et Tripoli. Mais la liberté, elle aussi, a un prix. Les magasins demeurent toujours fermés et la ville, coupée du reste du pays, commence à vivre sur ses réserves. La sécurité des habitants demeure précaire.
Un membre du Comité de Tobrouk, cité par le quotidien français Le Monde, confie redouter des bombardements aériens. « Nous sommes prêts à libérer le pays de nos mains nues, mais les Nations unies doivent imposer ne zone d’exclusion aérienne », a-t-il ajouté. À Benghazi, un avion de chasse libyen Soukhoï-22) s’est écrasé après que son pilote et son copilote se sont éjectés. Ils auraient refusé d’exécuter l’ordre de bombarder la deuxième ville du pays, selon une source militaire rapportée par le journal libyen Kourina.
La peur d’une crise humanitaire
De son côté l’Union Européenne (UE) redoute une crise humanitaire majeure. La Commission européenne s’est dit mercredi préoccupée par ce risque et a envoyé des experts aux frontières tunisienne et égyptienne afin d’évaluer les besoins au cas où l’exode de la population s’aggraverait. Mercredi, en 48 heures, plus de 5 700 personnes avait déjà gagné la Tunisie.
« Nous ne faisons pas encore face à une crise humanitaire en Libye, mais cela ne veut pas dire que nous ne soyons pas préoccupés, car la situation est très instable et évolue sans cesse », a déclaré Raphaël Brigandi, porte-parole de la commissaire chargée de l’aide humanitaire, Kristalina Georgieva. « Nous n’avons pas débloqué de fonds pour le moment et nous le ferons quand des besoins auront été identifiés », a-t-il ajouté. L’exécutif bruxellois peut débloquer 3 millions d’euros en 72 heures cas en cas d’urgence.
La Commission a en effet peu de nouvelles sur la situation à l’intérieur de la Libye. Mais celles qui parviennent sont alarmantes. « Selon les informations fournies par le Croissant rouge, 200 personnes ont été tuées et un millier blessées dans les violences à Benghazi », dans l’est du pays, selon M. Brigandi. Mais le bilan total des morts liés à la répression serait monté à 640 morts, dont 275 à Tripoli et 230 à Benghazi, selon des chiffres compilés par la Fédération internationale des ligues de droits de l’homme (FIDH). Un chiffre deux fois plus élevé que le bilan officiel faisant état de 300 morts. Mais un médecin français tout juste rentré de Benghazi a pour sa part livré à l’hebdomadaire français Le Point une estimation de « plus de 2 000 morts » pour cette seule ville…
L’UE se prépare également à des arrivées d’immigrés clandestins sur son territoire. L’Italie redoute un afflux massif sur son île de Lampedusa et espère un soutien de ses partenaires européens. Le problème divise l’UE et sera discuté jeudi au cours d’une réunion des ministres de l’Intérieur à Bruxelles. Les ministres des pays de la ligne de front – Italie, Malte, Grèce, France et Espagne – se sont retrouvés mercredi à Rome pour préparer une position commune. (Avec AFP)
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