Mouammar Kadhafi promet une « boucherie » aux Libyens
Le discours prononcé mardi en direct sur la télévision nationale libyenne par Mouammar Kadhafi est d’une violence extrême. Le « Guide » vacille, mais il promet de faire de nombreuses victimes en tombant. Au risque d’allumer une guerre civile dans son pays.
Mouammar Kadhafi a-t-il définitivement perdu les pédales ? Son discours à la télévision nationale libyenne, mardi 22 février, semble en tout cas indiquer qu’il a perdu le contrôle de son pays – sinon de sa personne. Et qu’il est peut-être plus déterminé et dangereux que jamais.
Confronté à des révoltes sans précédent – plusieurs villes du pays dont la seconde, Benghazi, sont tombées entre les mains de ses opposants et de nombreux dirigeants ont fait défection -, le « Guide » a appelé la police et l’armée à reprendre en main la situation, menaçant tout manifestant armé de la « peine de mort » et se disant prêt à mourir en « martyr ». Une déclaration qui revient peu ou prou à octroyer aux forces qui lui sont fidèles (une partie de l’armée a fait défection) un « permis de tuer » dont elles ont déjà bien commencé à se servir.
Voir le film des événements de la journée de mardi 22 février.
"Jusqu’à la dernière goutte" de sang
Selon Human Rights Watch (HRW), la répression aurait déjà fait « au moins 62 morts » à Tripoli depuis dimanche. La FIDH a quant à elle parlé lundi de « 300 à 400 morts » en Libye depuis le début des manifestations, le 15 février. En réalité, les observateurs redoutent un bilan encore plus lourd. D’autant que Kadhafi a promis de se battre « jusqu’à la dernière goutte » de son sang. Drapé dans une tunique marron, tenant à la main son Livre vert, le « Guide » s’exprimait devant sa maison bombardée en avril 1986 par les Américains et laissée depuis en l’état, parlant de lui à la troisième personne dans un monologue d’une heure vingt, très confus et véhément.
« Mouammar Kadhafi n’a pas de poste officiel pour qu’il en démissionne. Mouammar Kadhafi est le chef de la révolution, synonyme de sacrifices jusqu’à la fin des jours. C’est mon pays, celui de mes parents et des ancêtres », s’est-il exclamé, en accusant les manifestants d’être manipulés. « Ce sont des jeunes qui ont entre 16 et 18 ans. Ils sont en train d’imiter ce qui s’est passé en Tunisie et en Égypte. […] Une minorité malade se cache dans les villes et donne de l’argent à ces jeunes pour les pousser à commettre de tels actes », a-t-il assuré, évoquant plusieurs fois des jeunes « drogués », comme son fils Seif el-Islam, la veille. Mais Kadhafi a aussi évoqué la menace islamiste « des barbus », « une minorité terroriste qui veut transformer la Libye en émirat ».
Autisme profond
Après cette analyse frappée au coin de l’autisme le plus profond, la réponse de Kadhafi est aussi simple que brutale. « Rendez vos armes immédiatement, sinon il y aura des boucheries », a-t-il lancé à l’égard des manifestants. « Tous les jeunes doivent créer demain les comités de défense de la révolution : ils protègeront les routes, les ponts, les aéroports […]. Le peuple libyen doit prendre le contrôle de la Libye, nous allons leur montrer ce qu’est une révolution populaire », a-t-il tonné, lisant un texte dans un discours ponctué de silences, de bégaiements, et de menaces. La riposte qu’il promet aux manifestants sera « similaire à Tienanmen » ou à « Fallouja », a-t-il dit, en faisant référence à la répression militaire du « Printemps de Pékin » en juin 1989 (bilan : des centaines, voire des milliers de morts) et à la guerre en Irak.
« Aucun fou ne pourra couper notre pays en morceaux », a-t-il ajouté, menaçant de « nettoyer [le pays] maison par maison ». « On aurait pu utiliser des chars et des avions. On va commencer ce travail cette nuit », a-t-il indiqué. Ce qui augure d’une possible fin de régime extrêmement sanglante. Et partant, un avenir totalement incertain pour la Libye. (Avec AFP)
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