Football : au Maghreb, la valse des entraîneurs fait débat

Les clubs algériens, marocains et tunisiens sont connus pour leur consommation effrenée d’entraîneurs. Une situation qui ne se dément pas cette saison, et notamment en Tunisie où toutes les équipes, à l’exception du Stade tunisien, ont changé au moins une fois de coach en 2010-2011. Jeuneafrique.com a donné la parole à ceux qui décident… et à ceux qui subissent. Explications.

L’échec de l’Espérance de Tunis en Ligue des champions, signe de la baisse des clubs maghrébins ? © AFP

L’échec de l’Espérance de Tunis en Ligue des champions, signe de la baisse des clubs maghrébins ? © AFP

Alexis Billebault

Publié le 16 février 2011 Lecture : 3 minutes.

Le phénomène n’est pas nouveau, et il risque de perdurer encore longtemps. Dans trois pays du Maghreb – Algérie, Maroc et Tunisie – les clubs traînent une réputation d’instabilité technique qui fait les délices des manieurs d’ironie et le désespoir de ceux qui rêvent de visibilité à long terme.

« Le problème, c’est qu’au bout de trois résultats jugés mauvais, tu peux dégager, alors qu’il peut s’agir de trois matchs nuls ou de courtes victoires contre des mal classés », se lamente Pierre Lechantre, remercié au mois de décembre 2010 par Sfax – après l’avoir été en avril de la même année par le Stade africain, et par le MAS Fès (Maroc) en janvier 2008.

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Aujourd’hui au chômage, l’ancien sélectionneur du Cameroun et du Mali décèle trois raisons majeures à cette pratique récurrente des coaches « jetables ». « D’abord, il y a une pression énorme des fans, qui ont quasiment tous les droits. Le public a aussi ses joueurs préférés – des intouchables – et si un entraîneur décide de se passer de l’un entre eux pour des raisons techniques, il va être contesté. Enfin, les présidents sont souvent supporteurs avant même d’être des dirigeants, et cela ne favorise guère une politique à long terme », analyse-t-il.

Le rôle d’une certaine presse

Fin connaisseur du bouillonnant bain maghrébin, François Bracci ne contredit pas son confrère français. « Que l’entraîneur soit local ou étranger, cela ne change rien. Moi, on m’a viré au bout de trois matchs du Club africain de Tunis. Il y a peut-être plus d’exigences par rapport à un étranger qui est payé plus cher », avance cependant le Corse. Bracci a également dirigé Constantine et le MC Alger (avec qui il a remporté la Coupe d’Algérie en 2006 et le championnat national en 2010) – ainsi que Khourigba, le FUS Rabat et El Jadida (Maroc).

L’ancien international français, qui lui aussi pointe au chômage, s’interroge ouvertement sur le rôle d’une certaine presse, capable selon lui de « matraquer » un entraîneur pour favoriser son licenciement. « On sait tous que des journalistes, souvent des pigistes, reçoivent de l’argent pour écrire des articles très défavorables sur un coach », explique-t-il. « Cet argent peut être versé par un joueur mécontent de son sort ou par un dirigeant. L’entraîneur peut également être victime de la jalousie d’un de ses adjoints. Au Club africain, j’ai vite compris qu’Adel Sellimi voulait être à ma place », lâche-t-il.

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Entraîneur fusible

Riadh Bennour, président de la section football de l’Espérance de Tunis, assume quant à lui cette idée d’une instabilité chronique qu’il justifie par la seule exigence de résultats. « Un club comme l’Espérance de Tunis – mais j’imagine que c’est pareil pour de grands clubs en Algérie ou au Maroc – ne peut pas se permettre de ne pas participer tous les ans à la Ligue des champions », argumente-t-il.

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Pour Bennour, ce rôle de fusible est inévitable. « La pression sur les entraîneurs est importante, et puisqu’on ne peut pas changer toute une équipe, c’est le coach qui est en première ligne si les objectifs ne sont pas atteints », explique-t-il. Tout en plaidant pour le « fameux choc psychologique » que peut provoquer l’arrivée d’un nouveau technicien.

"L’Afrique noire prend le dessus"

Mais personne ne nie que la dictature d’une certaine forme de passion sur la stabilité technique nuit forcément à la performance. « Regardez les résultats des compétitions africaines », ajoute Pierre Lechantre. « Les équipes d’Afrique noire prennent le dessus. Comment voulez-vous développer un vrai projet technique avec une équipe si trois entraîneurs se succèdent dans la même saison ? », s’interroge-t-il. Et de conclure : « Se séparer d’un coach au bout de trois matchs, cela n’a pas de sens. L’obligation de résultat est une chose. Mais je prône la patience. D’autant qu’en Afrique du Nord, il y a de bons joueurs et une vraie ferveur autour du football… »

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