Par crainte de l’instabilité, le gouvernement tunisien prolonge l’état d’urgence

Si le couvre-feu est levé, l’état d’urgence a été maintenu en Tunisie. Une preuve que le pays, où les problèmes se multiplient, est loin d’être définitivement sorti d’affaire.

Militaires stationnant devant le ministère de l’Intérieur, à Tunis le 14 février 2011. © AFP

Militaires stationnant devant le ministère de l’Intérieur, à Tunis le 14 février 2011. © AFP

ProfilAuteur_PierreFrancoisNaude

Publié le 16 février 2011 Lecture : 3 minutes.

Si elle est en bonne voie, la Tunisie a encore du chemin à faire. D’abord pour brider définitivement les forces contre-révolutionnaires qui travaillent toujours l’appareil d’État et tentent de saboter la révolution. Raison pour laquelle l’état d’urgence, décrété le 14 janvier juste avant la fuite de Zine el-Abidine Ben Ali, a été prolongé jusqu’à nouvel ordre mardi par le gouvernement de transition. Objectif officiel : « éviter tout ce qui peut nuire à la sécurité du pays et assurer la sécurité des citoyens et la protection » des biens, indique le ministère dans un communiqué. En revanche, le couvre-feu en vigueur depuis le 12 janvier, lui, est levé.

Deux écueils menacent la transition : l’explosion sociale, si les revendications des plus démunis ne sont pas rapidement prises en compte, et les tentatives de déstabilisation par les fidèles de l’ancien régime de Ben Ali, qui noyautent la police et l’administration en n’attendant qu’un moment d’inattention pour passer à l’acte.

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Vigilance accrue

Le gouvernement avait déjà décidé la semaine dernière de rappeler des réservistes et conscrits de l’armée qui devaient se présenter mercredi devant les centres de conscription et de mobilisation. Mardi, le ministère de l’Intérieur a aussi appelé les forces de police à « être vigilants » face aux « tentatives désespérées de provoquer des troubles au sein des services de sécurité et de saboter les liens de coopération » avec l’armée, selon TAP. Honnie par la population, la police (100 000 membres) reste pour les Tunisiens l’outil de répression du régime Ben Ali, tandis que l’armée (45 000 hommes) est adulée pour avoir refusé de tirer sur les manifestants pendant la révolution.

Les récentes décisions des autorités sont « un signe d’inquiétude, cela montre bien que les forces contre-révolutionnaires agissent toujours pour semer le désordre. Cela montre la faiblesse de ce gouvernement », a réagi le leader communiste Hamma Hammami. De fait, un mois après la chute du régime Ben Ali, les incidents se multiplient, la contestation reste active, et la sécurité est loin d’être idéale.

Lundi, la capture d’un dangereux gang de quatre individus à Zaghouan (nord-est) a été annoncée. Deux groupes de malfaiteurs ont également été arrêtés ce week-end en banlieue de Tunis. L’un était sur le point d’attaquer un collège à Ben Arous alors que l’autre pillait le dépôt d’une société à Djebel Jeloud. À Jendouba (nord-ouest), l’armée a procédé samedi à des tirs de sommation pour disperser des habitants qui voulaient accéder par la force au siège du gouvernorat.

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Peur des braquages

À Tunis, de nombreux habitants ont dit avoir peur des braquages menés ces derniers temps par des jeunes armés de couteaux. « Je suis dans l’angoisse de me faire attaquer, j’ai peur des braquages », affirme la patronne d’un salon de coiffure de 50 ans. En fait, c’est le problème de la désespérance de toute une jeunesse – à la base de la révolution – que le gouvernement doit désormais régler.

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Car outre une certaine insécurité, les autorités doivent aussi gérer le départ d’émigrants clandestins alors que des milliers d’entre eux ont récemment atteint l’île italienne de Lampedusa, provoquant des tensions avec Rome. D’autant que lundi, huit migrants ont accusé des gardes-côtes d’avoir « délibérément foncé » sur leur embarcation vendredi dernier, faisant cinq morts et laissant 30 personnes disparues.

Lundi soir, le ministre italien des Affaires étrangères Franco Frattini a semblé jouer l’apaisement. Il a proposé une aide « opérationnelle » pour lutter contre l’émigration clandestine, soulignant l’importance de mettre en œuvre l’accord bilatéral dans ce domaine qui implique « des devoirs et des obligations de deux parties » avec la possibilité de revoir les quotas des migrants réguliers, a indiqué la TAP mardi. (Avec AFP)

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