La marche d’Alger dispersée par les forces de l’ordre
L’impressionnant dispositif policier déployé à Alger a eu raison de la manifestation interdite du CNDC, samedi 12 février. Mais les militants sont fiers d’avoir défié le pouvoir et promettent de poursuivre la mobilisation.
"Y ‘en a marre de ce pouvoir !", "Algérie libre et démocratique", "pouvoir assassin !", scandaient les manifestants réunis à la mi-journée sur la place du 1er Mai (en réalité place de la Concorde), à Alger. Ils ont également brandi une large banderole qui proclamait : "Système dégage", et scandé des slogans qui faisaient échos à ceux criés en Tunisie et en Égypte.
La manifestation n’a cependant pu s’ébranler vers son objectif – la place des Martyrs située à 4 km -, ceinturée qu’elle était par un cordon de plusieurs milliers de policiers, et s’est transformée en rassemblement.
Mais face à la foule qui commençait à grossir, les policiers casqués, équipés de boucliers, de matraques et de fusils d’assaut ont reçu l’ordre d’employer la force. Dans un premier temps, ils ont commencé à essayer de fractionner les groupes de manifestants avant de charger et d’interpeller ceux qui ne voulaient pas obtempérer. Ces derniers auraient été conduits vers les commissariats du Champ de Manœuvres et de Cavaignac.
Les FIS et le RCD manifestent ensemble
"Depuis la bataille d’Alger, je n’ai pas vu autant de policiers", a ironisé un septuagénaire, membre du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD, opposition), en souvenir de la mobilisation des troupes françaises en 1957, pour tenter de reprendre aux combattants algériens la Casbah d’Alger. Ali Belhadj, ancien numéro deux du Front islamique du Salut (FIS, dissous) était arrivé sur la place le matin, entouré de centaines de manifestants criant avec lui, "le système doit tomber ! Le système doit tomber !" Mais les policiers ont réussi à le maîtriser avant de le pousser dans un fourgon cellulaire.
Preuve que la foule avait des motivations très différentes, on y voyait aussi des familles des disparus de la décennie noire des violences islamistes qui réclamaient la vérité sur le sort des leurs. "Je veux la vérité", criait une femme arborant le portrait de son fils disparu depuis 1997. Le Collectif des familles de disparus en Algérie a comptabilisé 8 200 dossiers de disparition depuis le début des années 1990, et en rend responsable les forces de l’ordre.
Mais dès 13 heures la place avait commencé à se vider, progressivement, les membres de la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNDC), qui avaient appelé à la mobilisation, étant déjà partis pour un rendez-vous improvisé avec la presse. Me Ali Yahia Abdenour, président de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (83 ans), a alors fait état de "plus de 400 arrestations, dont des femmes et des représentants de la presse étrangère".
"Nous avons brisé le mur de la peur"
Saïd Sadi, président du Rassemblement pour la culture et la démocratie(RCD), a également fustigé l’attitude des autorités : "26 000 policiers pour empêcher une marche pacifique, cela témoigne non pas de la force, mais de la peur du pouvoir qui est aux abois. Nous allons continuer à manifester, à défier ce pouvoir jusqu’à ce qu’il tombe", a-t-il averti. "Nous allons continuer à nous battre, l’exemple nous est donné par nos frères tunisiens et égyptiens", a ajouté le numéro deux de la LDDH, Me Moustapha Bouchachi.
"Nous avons brisé le mur de la peur. (…) Ce n’est qu’un début !" a assuré de son côté Fodil Boumala, l’un des fondateurs de la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD), arrêté brièvement comme d’autres manifestants. "Au-delà du chiffre, cette manifestation est une réussite, cela fait dix ans que les gens n’ont pas pu marcher à Alger, le mur psychologique de la peur est tombé, il faut maintenant savoir entretenir cette dynamique pour la faire aboutir à la chute du régime", a également estimé Ali Rachedi, ex-premier secrétaire du Front des forces socialistes (FFS). (Avec agences)
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