Dialogue islamo-chrétien : rétablir les voies du Seigneur
Al-Azhar, la plus haute institution de l’islam sunnite en Égypte, a décidé le 20 janvier de « geler sine die » ses relations avec le Saint-Siège. Depuis, du Vatican au Caire, les catholiques travaillent à renouer les liens islamo-chrétiens.
Le 20 janvier, le conseil de l’académie de recherche islamique de l’Université Al-Azhar du Caire, annonçait sa décision « de geler sine die son dialogue avec le Vatican […] Une décision provoquée par les offenses répétées du pape Benoît XVI à l’égard de l’islam ». Dans sa prière de l’angélus, le 1er janvier (au lendemain de l’attentat contre une église copte d’Alexandrie, qui a fait 21 morts) ou encore lors de ses vœux au corps diplomatique, le 10 janvier, Benoît XVI a en effet multiplié les appels à « l’adoption de mesures pour la protection des minorités religieuses » et à « résister pacifiquement à la stratégie de violence qui a pris les chrétiens pour cible ».
Déclarations qui ont provoqué l’ire du grand imam d’Al-Azhar, Ahmed al-Tayyeb. Lequel accuse le souverain pontife « d’ingérence » dans les affaires égyptiennes et déplore que le pape ne fasse pas référence « à la protection des musulmans ». Depuis la fin du mois de janvier, côté cairote comme côté romain, les catholiques s’activent pour renouer le dialogue…
Méprise
Le tout nouveau cardinal Antonios Naguib, patriarche des coptes catholiques d’Alexandrie a livré quelques précisions sur cette décision : « Tout est parti d’une traduction erronée des propos du pape par une chaîne de télévision arabe, reprise ensuite par l’ensemble des médias le 1er février. Ensuite, toutes les autorités religieuses, politiques et culturelles se sont ainsi méprises sur les déclarations du pape. »
Selon Mgr Naguib, le gel du dialogue ne signifie d’ailleurs pas la rupture des relations : « Pour l’instant, le Vatican n’a reçu aucune notification officielle d’Al-Azhar et maintient le principe d’une rencontre en février. » La preuve : le grand imam Ahmed al-Tayyeb a accepté de recevoir deux évêques auxiliaires et le directeur de la communication de l’Église copte catholique, qui lui ont présenté une version « authentique » du texte de Benoît XVI. De son côté, le patriarche de l’Église melkitte a tenu à rencontrer le ministre des Affaires religieuses afin de lui remettre, à lui aussi, les textes du pape.
« Nous voudrions comprendre les motifs qui ont pu conduire le Conseil de l’Académie des recherches islamiques du Caire, le 20 janvier dernier, à “geler” le dialogue avec nous, écrit le cardinal français Mgr Tauran, président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, dans l’Osservatore Romano du 29 janvier. Nous pensons qu’une lecture attentive du message de Benoît XVI pour la journée de la Paix 2011 et de son Message au corps diplomatique du 10 janvier peut aider à dissiper ce malentendu […] Rien n’est plus faux que d’affirmer que le pape n’aime pas l’islam. »
"Parler de personne à personne"
Quelques jours avant la publication de cet article, Mgr Tauran avait d’ailleurs rencontré Benoît XVI pour faire le point sur l’état du dialogue islamo-chrétien à la suite des positions négatives prises par l’Université Al-Azhar du Caire. « Le dialogue ne se déroule pas entre des religions, mais entre des croyants, qui sont eux-mêmes un mélange de bien et de mal […] Tous les rendez-vous fixés avec nos interlocuteurs du Caire, y compris ceux des 21 et 22 février, restent valables, souligne Mgr Tauran. Si nous voulons poursuivre le dialogue, nous devons avant tout trouver le temps de nous asseoir et de parler de personne à personne, et non pas au travers des journaux. »
Selon plusieurs sources vaticanes, cette ligne est aujourd’hui clairement établie et la curie prépare activement la rencontre interreligieuse pour la paix, convoquée par Benoît XVI en octobre 2011 à Assise (Pérouse, Italie). La secrétairerie d’État du Vatican, le conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, ainsi que les Franciscains et la communauté de Sant’Egidio doivent être associés au pilotage particulièrement sensible de cette rencontre.
En attendant la réaction de l’archevêque de Tunis, Mgr Maroun Elias Lahham, au lendemain de la Conférence annuelle des évêques d’Afrique du Nord (Cerna) suscitera sans doute quelques commentaires. Interrogé par Radio Vatican sur les relations islamo-chrétiennes le 3 février, Mgr Lahham a expliqué la position de la Cerna en ces termes : « Nous sommes convaincus qu’il est temps de passer à un dialogue de vérité, quitte à avoir quelques incompréhensions. Surtout avec Al-Azhar, après sa récente décision de rompre le dialogue avec le Vatican. Nous ne sommes pas des mendiants du dialogue… Si l’on n’est pas d’accord, on doit le dire. Mais réagir en coupant le dialogue parce qu’on n’est pas d’accord est puéril. L’enfant boude, l’adulte dialogue.
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