Égypte : la « journée du départ » est-elle venue pour Moubarak ?

L’opposition égyptienne – laïque ou pas – ne veut plus entendre parler d’Hosni Moubarak, dont elle réclame le départ immédiat avant toute négociation pour une transition pacifique. Les énormes manifestations attendues aujourd’hui au Caire après la grande prière du vendredi pourraient aboutir à un retrait définitif du raïs.

Des manifestants de l’opposition lancent des pierres aux partisans du pouvoir, le 3 février 2010. © AFP

Des manifestants de l’opposition lancent des pierres aux partisans du pouvoir, le 3 février 2010. © AFP

Publié le 4 février 2011 Lecture : 4 minutes.

Ce vendredi 4 janvier sera-t-il pour Hosni Moubarak la « journée du départ », comme l’annonce l’opposition depuis le milieu de la semaine ? Une chose semble en tout cas acquise : le raïs est désormais hors course, et son retrait – au moins officieux – ne serait plus qu’une question de jours. Reste à en trouver les modalités pour calmer la rue égyptienne.

Moubarak lui-même, cité par Christiane Amanpour, la journaliste de la chaîne américaine ABC qui l’a interviewé hier, a assuré en avoir « assez d’être président », disant vouloir « abandonner le pouvoir maintenant, mais ne pouvant le faire de peur que le pays ne sombre dans le chaos ».

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De son côté, le New York Times a assuré que Washington discutait d’ores et déjà avec des responsables égyptiens de l’éventualité d’un départ immédiat de Moubarak et du transfert du pouvoir à un gouvernement de transition dirigé par le vice-président Omar Souleimane, un projet destiné à recueillir le soutien de l’armée égyptienne.

Que va faire l’armée ?

Car c’est le nœud du problème. Dans un discours prononcé hier, après une journée de violents affrontement entre pro et anti-Moubarak, Omar Souleimane a rejeté l’idée d’un départ immédiat de Moubarak, le comparant à un « père » qu’il fallait respecter. Son ton s’est même fait menaçant lorsqu’il a remis en question le patriotisme des opposants. Mais l’armée a, dans la nuit, donné des gages aux Américains qu’elle n’allait pas tirer sur les manifestants qui doivent se retrouver à l’occasion d’une mobilisation générale de toutes les forces anti-Moubarak.

Le dixième jour de protestation sera sans doute décisif. Malgré les attaques menées par des partisans de Moubarak hier, les organisateurs espèrent mobiliser, comme le 28 janvier, plus d’un million de personnes après la grande prière. L’appel au dialogue lancé par le régime a été rejeté par l’opposition laïque et jugé « illégitime » par la première force d’opposition, la confrérie islamiste des Frères musulmans qui ont estimé que les appels à négocier « n’influeront pas sur les rassemblements de masse prévus vendredi pour faire tomber le régime ».

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Capture d’écran de la chaîne américaine ABC montrant le président égyptien Hosni Moubarak et la journaliste Christiane Amanpour lors d’une interview exclusive,
le 3 février 2011, au Palais présidentiel du Caire.
© AFP

De même, l’opposition politique laïque et celle issue de mouvements de la société civile (comme la Coalition nationale pour le changement, formée autour du prix Nobel de la Paix Mohamed el-Baradei), a fait du départ immédiat de Moubarak une condition pour négocier avec le régime. Une demande qualifiée par Souleimane d’« appel au chaos », lequel a exhorté les manifestants à quitter la place Al-Tahrir (Libération), épicentre de la contestation au Caire.

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Dans la nuit de jeudi à vendredi, sur la place Al-Tahrir, des milliers de manifestants ont de nouveau bravé le couvre-feu nocturne, campant sous des tentes et se réchauffant autour de feux, après une journée de heurts très violents et intermittents entre opposants et partisans de M. Moubarak.

Si les autorités égyptiennes sont prêtes à lâcher du terrain face à la pression des Occidentaux, États-Unis en tête, c’est la manière forte qui semble encore être privilégiée sur le terrain. Sept jeunes leaders du mouvement contestataire ont notamment été arrêtés jeudi après leur rencontre avec l’opposant Mohamed el-Baradei, selon leurs proches.

Lors de ces deux derniers jours, au moins huit personnes ont été tuées (dont certaines par des armes à feu) et plus de 800 blessées lors de violents heurts entre les deux camps – de nombreux policiers en civils ayant infiltré les rangs des militants pro-Moubarak. Plus de 300 personnes avaient péri la première semaine de la contestation, selon un bilan non confirmé de l’ONU.

Les journalistes étrangers dans la ligne de mire

Des dizaines de journalistes étrangers ont été battus, interpellés ou intimidés ces deux derniers jours, et aucune télévision n’a diffusé d’images en direct depuis la place Al-Tahrir dans la nuit de jeudi à vendredi. Un étranger dont on ignore la nationalité a été battu à mort non loin de là, selon des témoins et des services de secours.

Jeudi, des centaines de partisans du régime armés de matraques, de couteaux et certains de pistolets, ont empêché pendant plusieurs heures l’entrée sur la place de renforts ou ravitaillement aux opposants qui y sont retranchés. L’armée, épine dorsale du régime, surveille sans intervenir. Elle n’est intervenue que rarement pour disperser les protagonistes ou tenter de sauver des personnes agressées.

D’autres partisans du régime, postés sur le pont du 6 octobre, ont lancé des pierres et des bouteilles incendiaires sur les opposants. Des pavés et des bordures en pierre ont été utilisés comme projectiles et des barricades ont été érigées. Le pouvoir a rejeté les accusations selon lesquelles il a orchestré les violences, montrant du doigt les Frères musulmans, principale force d’opposition.

La secrétaire d’État américaine Hillary Clinton a condamné « dans les termes les plus fermes » les agressions contre les journalistes, appelant les forces de sécurité à les protéger. Elle a également appelé à des « négociations sérieuses » immédiates entre le pouvoir et l’opposition « en vue d’une transition pacifique et en bon ordre » en Égypte. Malgré les troubles, le Pentagone a assuré qu’il ne comptait pas cesser ses livraisons d’armes à son allié égyptien. Son soutien militaire annuel se monte à 1,3 milliard de dollars.

À Berlin, le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon a jugé « scandaleuse et totalement inacceptable » la répression en Égypte contre les médias et les défenseurs des droits de l’homme. (Avec AFP)

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