Tunisie : le ministre de l’Intérieur déjoue une tentative de déstabilisation de l’État

Les dernières quarante-huit heures ont été particulièrement tendues à Tunis. Le nouveau ministre de l’Intérieur, Farhat Rajhi, a dû procéder à un grand ménage au sein de ses services pour remédier à plusieurs actes d’insubordination. Et à une tentative particulièrement violente de coup de force des éléments pro-Ben Ali. Récit de deux jours d’angoisse.

Farhat Rajhi (d.) avec des ministres et le Premier ministre, Mohammed Ghannouchi (c.). © Fethi Belaid / AFP

Farhat Rajhi (d.) avec des ministres et le Premier ministre, Mohammed Ghannouchi (c.). © Fethi Belaid / AFP

Publié le 2 février 2011 Lecture : 2 minutes.

La révolution du 14 janvier traverse ses premières turbulences post-Ben Ali. Alors que la reprise de l’activité était visible et que la confiance dans l’exécutif s’était installée à la suite du remaniement du 27 janvier, la capitale tunisienne a été l’objet d’une très forte tension mêlée d’une extrême confusion, lundi et mardi.

Aux questions restées sans réponses après l’évacuation violente, vendredi 28 janvier, des manifestants pacifistes de la place de la Kasbah (qui en a donné l’ordre, dans quel but ?), s’ajoutaient des rumeurs sur des agressions, des enlèvements, des pillages et des attaques d’établissements scolaires un peu partout en Tunisie. Qui diffusait ces fausses nouvelles – y compris celle de l’incendie d’une synagogue près de Gabès ? Mystère…

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Un vent de panique s’est emparé de Tunis, où les hélicoptères réinvestissaient le ciel à basse altitude tandis que les militaires étaient en alerte. Un climat délétère encore renforcé par des vidéos circulant sur internet et montrant le tabassage de manifestants par les Bops (policiers anti-émeutes tunisiens) sur l’avenue Bourguiba.

Tentative de coup de force

En outre, le silence du gouvernement est venu accentuer le sentiment de malaise de la population. On s’interrogeait notamment sur l’absence des forces de l’ordre dans les rues, et beaucoup réclamaient le retour de la police alors que Tunis était paralysée par des embouteillages monstres. Jouant finalement la transparence, Farhat Rajhi, le nouveau ministre de l’Intérieur du gouvernement d’Union nationale, a levé le voile sur la situation lors d’un entretien diffusé mardi soir sur Hannibal TV.

Selon lui, des forces internes au ministère de l’Intérieur ont tenté un coup de force lundi. Entre 2 000 et 3 000 personnes, dont des membres de la police politique, des miliciens et des évadés de prison ont assailli les locaux du ministère, s’attaquant à lui ainsi qu’au général Rachid Ammar qui était présent (le chef de l’état-major de l’armée de terre et héros de la révolution du 14 janvier).

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Un État dans l’État

Malgré la violence de l’attaque, aucune arrestation n’a pu être effectuée sur le coup. Farhat Rajhi, qui a été exfiltré de justesse avec le général par les unités antiterroristes, a affirmé que ce complot contre le gouvernement de transition était bien une tentative de coup d’État orchestrée par certains dirigeants du ministère, ceux-là mêmes qui avaient donné l’ordre de charger les manifestants de la Kasbah. Le ministère de l’Intérieur se comportait donc comme un État dans l’État, indépendant et incontrôlable. 

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Pour remédier à cette situation, des mesures ont été immédiatement prises : 42 hauts responsables de l’Intérieur, dont le directeur général de la Sûreté nationale, ont été démis de leurs fonctions et l’ex-ministre de l’Intérieur, Rafik Haj Kacem, a été arrêté. Une enquête est en cours pour identifier les donneurs d’ordre des actes d’insubordination et de complot contre la sécurité de l’État. Parallèlement, les différents corps de la police ont reçu l’ordre formel de reprendre leurs activités avec la promesse d’une amélioration de leurs conditions de travail et de leurs revenus.

L’intervention de Farhat Rajhi, qui s’exprimait en arabe dialectal, a permis de détendre l’atmosphère tout en faisant grimper en flèche sa cote de popularité. Inconnu du grand public, le nouveau ministre était encore magistrat la semaine dernière.

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