Incendie d’une synagogue en Tunisie : info ou intox ?

L’annonce d’un incendie (non confirmé) d’une synagogue près de Gabès est l’objet d’un rétropédalage spectaculaire de la part de celui qui a donné l’alerte. Et provoqué au passage la vive inquiétude des 1 600 membres de la communauté israélite de Tunisie. Explications.

Pélerinage à la synagogue de Ghriba à Djerba, le 30 avril 2010. © AFP

Pélerinage à la synagogue de Ghriba à Djerba, le 30 avril 2010. © AFP

ProfilAuteur_PierreFrancoisNaude

Publié le 1 février 2011 Lecture : 2 minutes.

A première vue, il s’agissait d’un crime peu fréquent au Maghreb, et encore moins en Tunisie. La synagogue d’El Hamma, près de la ville de Gabès (Sud), aurait été l’objet d’une attaque antisémite, lundi soir. « Des gens ont incendié la synagogue et les rouleaux de la Torah ont été brûlés », a indiqué mardi à l’AFP Trabelsi Perez, le chef de la communauté juive de Djerba (à 500 km au sud de Tunis). « Ça m’étonne car il y avait des policiers non loin de la synagogue », a poursuivi Trabelsi, qui est également président de la Ghriba, sur l’île de Djerba, la plus ancienne synagogue d’Afrique. Même le vice-président de la communauté juive de Tunisie, M. Khalifa Atoun, confirmait l’incendie, tout en relativisant la portée de l’incident. « On a bien brûlé des bâtiments officiels, ça peut arriver à tout le monde. »

De fait, l’information paraissait crédible. Qui douterait de la bonne foi de Trabelsi ? Et puis, les policiers ont peut-être peur de sortir la nuit, redoutant la vengeance de la population en raison de la répression de la révolution tunisienne qui, selon l’ONU, a fait 219 morts (dont 79 en prison) et 510 blessés ? La police pouvait également être noyautée par certains éléments « réactionnaires », voire « islamistes », incontrôlés ou manipulés, voulant hypothéquer la révolution en marche en utilisant la terreur, comme les milices de Ben Ali avaient tenté de le faire juste après la fuite du raïs… Les questions des Tunisiens restaient sans réponses… Mais l’explication, au final, est peut-être plus triviale.

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La piste Al-Qaïda

Et si Trabelsi s’était simplement fait l’écho de rumeurs ? Il a en tout cas démenti plus tard dans la journée toutes ses précédentes déclarations, dans un entretien téléphonique à l’agence Tunis Afrique Presse (TAP). « Je ne suis pas en mesure de confirmer l’incendie d’une synagogue à El Hamma, ni la prise à partie du gardien de l’édifice religieux par un groupe d’assaillants », a-t-il dit, niant explicitement les déclarations que lui avaient attribuées à la fois les agences AFP et AP.

« Je n’ai jamais déclaré, non plus, qu’une relique de la Torah a été brûlée dans le présumé incendie », a-t-il ajouté. Avant de préciser qu’il avait décidé l’envoi, mercredi, d’une équipe sur place pour faire la lumière sur ce qui s’est réellement passé. Quelques voitures de membres de la communauté juive de Djerba ont pu être endommagées, a-t-il indiqué, niant toutefois que sa communauté ait été visée en tant que telle. « Les Juifs de Tunisie partagent le sort de tous les Tunisiens », a-t-il conclu, prévenant qu’il fallait faire face à ceux qui « veulent semer la discorde entre les communautés juive et musulmane ».

Si l’information est infirmée, l’épisode aura tout de même eu le mérite de révéler le degré d’inquiétude de la communauté juive de Tunisie, qui représente actuellement 1 600 personnes, essentiellement à Djerba. Car l’une des hypothèses sur les responsabilités du vrai-faux incendie – si ce n’était une manipulation – visait Al-Qaïda. La Ghriba avait été l’objet en avril 2002 d’un attentat au camion piégé, revendiqué par la nébuleuse terroriste, qui avait fait 21 morts (14 touristes allemands, 5 Tunisiens et deux Français). (Avec AFP)

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